- Paraît chaque dimanche à 8 heures tapantes, méridien de Paris -

dimanche 3 octobre 2021

Ah ça, mais...! Mais qui a passé un cachemire marun à mon bengali ?







Words are flowing out like endless rain into a paper cup,
They slither while, they pass, they slip away across the universe
Pools of sorrow, waves of joy are drifting through my open mind,
Possessing and caressing me.

Jai guru deva om
Nothing's gonna change my world.



(Les mots s'écoulent comme une pluie sans fin dans un gobelet en carton,
Ils ondulent alors qu'ils passent, ils s'échappent à travers l'univers
Des bassins de chagrin, des vagues de joie, dérivent au gré de mes pensées,
Me possédant, me caressant.

Jai guru deva om
Rien ne changera mon monde)


Across The Universe,
The Beatles,

morceau sorti le 12 décembre 1969 






Bonjour à tous !


Chers amis, 

Nous terminerons

- eh oui... -, 

en ce dimanche, notre incroyable randonnée


en compagnie de la multimillénaire 
racine indo-européenne...


*mer-mort”.



Nous terminerons notre périple par encore d'autres dérivés indo-iraniens...

Dakhma, de l'avestique daxma, tombe”,
structure circulaire élevée servant de lieu funéraire zoroastrien
(source)





Et, pour la dernière fois, faisons le point !

🜛🜛🜛



🜛

C'est le 4 juillet 2021 que nous avons débuté cette étude de la racine proto-indo-européenne *mer-mort”, avec quelques dérivés italiques et particulièrement latins, notamment morior, morīmourir”, dont est issu notre français mourir.

Ce jour-là, nous avons également parlé...
  • du datif singulier vénète 𐌌𐌖𐌓𐌕𐌖𐌅𐌏𐌝, murtuvoi, mort”,
et
  • d'autres dérivés latins de morior, morīmourir” :
  • mortuusmort”, qui a cessé de vivre”, “où rien ne se passe ; qui demeure sans vie, dont la vie s'est retirée”, dont est issu notre français mort,
  • mors, mortis, “(la) mort”, dont est issu, par son accusatif mortemle substantif français (la) mort
  • mortālispérissable, sujet à la mortd'où... humain”, et son antonyme immortālis, que nous emprunterons pour en faire nos mortel et immortel,
ou encore
  • le composé moribundus, que nous emprunterons sous la forme moribond.
Heyr himna smiður, 4 juillet 2021

🜛

Le 11 juillet 2021, nous nous sommes penchés sur ses dérivés germaniques, au nombre desquels nous citerons...
  • le vieux norois morðmeurtre”, d'où...
    • l'islandais morðle norvégien mordle suédois mordle danois mordou le féroïen morð.
  • le vieil anglais morðmeurtre” (ou dans un emploi poétique, mort, crime”), d'où le moyen anglais morth, murth, d'où l'anglais... murder, meurtre”,
  • le vieux frison morthd'où le saterlandais Morde, Moort, meurtre” et le frison occidental moard, meurtre”,
  • le vieux saxon morth, d'où le moyen bas allemand mōrt, d'où le bas allemand mort,
  • l'ancien haut allemand, mordd'où le moyen haut allemand mort, d'où l'allemand Mord, meurtre”,
  • le francique (non attesté) *murth, *morth, qui explique le vieux néerlandais morth, et à sa suite, le moyen néerlandais mort, dont sera issu le néerlandais moord,
  • le vieux norois myrðaassassiner”, d'où l'islandais myrðaassassiner”, le danois myrdeassassiner”, le norvégien Bokmål myrdeassassiner”, le féroïen myrðaassassiner”,
  • le gotique 𐌼𐌰𐌿𐍂𐌸𐍂, maurþrmeurtre”,
  • le vieil anglais morðor, meurtre”,
  • le vieux francique *murthrjan-, assassiner”, d'où l'ancien français meurtrir, murtrir, assassiner”, d'où nos meurtre et meurtrissure.

🜛

Le 18 juillet, nous nous baladions parmi les dérivés celtiques de notre racine *mer-mort”, dont notamment...
  • le vieil irlandais marbd'où l'irlandais marbhle manxois marroole gaélique écossais marbh,
  • le gallois marw,
  • le moyen breton marf, maru, d'où le breton marv,
  • le cornique marow,
  • le moyen gallois marwd'où le gallois marw.

Nous avions également traité des composés...
  • moyen irlandais marbnad, d'où l'irlandais marbnath,
  • moyen gallois marwnad, d'ou le gallois marwnad,
  • moyen breton marvnad, d'où le breton marvnad, toujours élégie”,
dont on pourrait retrouver la trace dans certains noms gaulois, avec...
  • Vonatorix, qui désignerait un Maître des chants”, 
ou
  • Vanatactus, qui serait celui qui mène ou dirige les chants”.
Enfin, nous avions parlé de deux noms gaulois non plus apparentés à *mer-mort”, mais vraisemblablement construits sur le terme celtique *-natu : Vanatus et Vanata, peut-être antonomases de la fonction de pleureur lors de funérailles.


🜛

Le 25 juillet, nous avons découvert quelques dérivés grecs 
anciens de notre racine *mer-mort”, dont...

  • βροτός, brotósmortel”,

  • ἄμβροτος, ámbrotos, immortel”, d'où ἀμβρόσῐος, ambrósios, “immortel, divin”d'où ἀμβροσία, ambrosía, “nourriture des dieux, ambroisie”,

  • μορτός, mortós, mortel”.

  • Nous en avons profité pour comparer ces dérivés avec leurs cognats sanskrits :
     
    🜛

    Le 1er août, nous passions en revue quelques théonymes et anthroponymes grecs anciens créés sur βροτός, brotósmortel” :
    • Ἀκεσίμβροτος, akesímbrotos, celui qui soigne les mortels”, épithète d'Esculape,
    • τερψῐ́μβροτος, terpsímbrotos“qui met en joie le coeur de l'homme”, épithète d'Helios, 
    • Βροτολοιγός, Brotoloigos, “le fléau des mortels”, épithète d'Arès,
    • Ἐχέμβροτος, Ekhémbrotos, littéralement “qui possède des mortels”,
    • Θεόμβροτος, Theómbrotos, littéralement “dieu des mortels (?)
    • Κλεόμβροτος, Kleómbrotos, “glorieux mortel”,
    • Στησῐ́μβροτος, Stēsímbrotosl'homme qui se tient debout ou l'homme établi” (?) 
    Je jure par Apollon, médecin, par Asclépios, par Hygie et Panacée, par tous les dieux et toutes les déesses, 1er août 2021 

    🜛

    Le 8 août, nous avons abordé les dérivés arméniens de notre racine, avec...

    • l'arménien classique մարդ, mard, au sens d'homme, être humain”, que l'on retrouve dans...
    • le substantif arménien classique (non attesté) *ǰmarpersonne mâleque l'on décompose en ayr mard, littéralement personne homme”, ou dans

    • le substantif mard-a-gayl, qui désigne la hyène, (homme-loup”)
    Ayn nunufar caɫikn or kay, busni yezers ǰrerun, 8 août 2021
    🜛

    Le 15 août, nous avons découvert d'autres beaux dérivés arméniens de *mer-mort” :

    • l'arménien classique մեռանիմ, meṙanim“mourir”, d'où l'arménien moderne մեռնել, meṙnel, de même sens,
    • son dérivé an-meṙ, “immortel”,
    • l'arménien classique... մահ, mah, (la) mort” (emprunt à l'iranien), avec sa forme ancienne մարհ, marh(la) mort”, et un de des dérivés, mah-oy, mortel”
    🜛

    Le 22 août, nous avons abordé les dérivés balto-slaves de notre racine, parmi lesquels :

    • le vieux slavon d'église мрѣти, mrěti“mourir”,
    • le serbo-croate mrijȇti, “mourir”,
    • le biélorusse ме́рці, mjérci“mourir”,
    • le russe мере́ть, miriétʹ, “mourir, périr en grand nombre”,
    • l'ukrainien ме́рти, mérty, “mourir”,
    • le tchèque mřít“mourir, se faner”,
    • le polonais mrzeć, “mourir”,
    • le lituanien mir̃ti“mourir”,
    • le letton mìrt, “mourir”

    🜛

    Le 29 août, nous avons traité d'une nouvelle série de dérivés balto-slaves...

    • le féminin lituanien mirtìs, au sens de “(la) mort”,
    • le vieux slavon d'église съмрьть, sŭmrĭtĭ“(la) mort”,
    • le bulgare смърт, smǎrt“(la) mort ; la Mort (la grande faucheuse)et par extension “le dégoût, la répugnance”,
    • le macédonien смрт, smrt - à vos souhaits -, “(la) mort”,
    • le serbo-croate smȑt“(la) mort”,
    • le biélorusse смерць, smjercʹ,“(la) mort”,
    • le russe смерть, smiertʹ“(la) mort”, employé aussi dans le sens de se damner pour : eму́ сме́рть как хо́чется кури́ть : il se damnerait pour une cigarette,
    • l'ukrainien смерть, smertʹ“(la) mort”,
    • le tchèque smrt“(la) mort”,
    • le polonais śmierć“(la) mort”,
    • le haut sorabe smjerć“(la) mort”,
    • le bas sorabe smjerś“(la) mort”

    🜛

    Le 5 septembre, nous poursuivions notre chapitre balto-slave, avec...
    • le lituanien māras“peste, mort...”,
    • le vieux slavon d'église моръ - ⰿⱁⱃⱏ, morŭ, “peste, pestilence...”,
    • le bulgare мор, mor“cause de fatigue, perte de vitalité...”, en langue poétiquemaladie mortellepestepestilence...”,
    • le serbo-croate mȏr“mort, peste...”,
    • le russe мор, mor (terminologie médicale), pouvant désigner peste, maladie infectieuse (frappant l'homme, mais aussi le bétail...)...,
    • le tchèque mor, “peste ; maladie hautement contagieuse”,
    • le polonais (désuet) mór“peste, maladie endémique...”

    🜛

    Le 12 septembre, nous terminions notre périple balto-slave, avec notamment...

    • le vieux slavon d'église мрьтвъ, ⰿⱃⱐⱅⰲⱏ, mrĭtvŭ“mort,
    • le bulgare мъ́ртъв, mǎ́rtǎv“mort, sans vie, inanimé”,
    • le russe мёртвый, miortvouii“mort, sans vie”,,
    • le tchèque mrtvý“mort”,

    et enfin

    • le polonais martwy“mort, inanimé”,

    🜛

    Le 19 septembre, ô journée désastreuse ! ô journée effroyable, nous découvrions que, probablement, la racine indo-européenne *mer- était, elle même, un euphémisme pour “mort”. C'est du moins ce que donne à penser sa descendance anatolienne :

    • le hittite me-er-zi / mi-ir-zidisparaître, se dissiper...” ; d'où
      • l'adjectif hittite manuṷala-, (peut-être) invisible”,
      • le verbe hittite marnu-zi, mernu-zifaire disparaître, dissoudre”,
    • le louvite marnuwa-, (peut-être) faire disparaître”.
    "quand les Hittiques attaquent, c'est pas toc, c'est épique" - Ânkhkaenrê, scribe personnel de Ramses II, à l'issue de la bataille de Qadesh19 septembre 2021

    🜛

    Le 26 septembre, nous abordions les dérivés indo-iraniens de notre racine *mer-, dont notamment...
    • l'avestique récent mar-, mourir”,
    • l'avestique 𐬀𐬨𐬆𐬱𐬀‎, aməša, “immortel”,
    • le 
      vieux perse mar-, mourir”,
      • d'où le moyen perse manichéen myr-, mourir”,
    • le parthe 
      myr-, mourir”,
    • le khotanais mär, mourir”,
    • le 
      sogdien myr, mourir”,
    • le chorasmien 'my-, mourir, être éteint”.
    🜛🜛🜛




    Amis lecteurs,

    Oui, poursuivons donc notre quête des dérivés indo-iraniens de la racine indo-européenne *mer-.

    En conclusion de cette longue étude, sous forme de bouquet final,




    je vous propose de nous intéresser particulièrement à ses dérivés...


    sanskrits !

    Certes, nous avons déjà traité de quelques-uns de ses dérivés, comme par exemple...
    • de l'adjectif मृत, mṛtá, “mort”,
    • de मर्त, marta, le mortel, l'homme”,
    • de अमृत, amṛ́ta, immortel“élixir de vie, immortalité, nourriture et nectar des dieux”.

    Mais bon, il y en a plein d'autres ! J'oserais même en parler comme d'une chi. euh... flopée !

    Tous construits sur le radical मृ, mṛ, mourir.
    (Mais attention, hein ! Que le radical verbal pour mourir en sanskrit soit phonétiquement si proche du gallois marw, de l'arménien classique մարդ, mard, du lituanien mir̃ti“mourir”, ou du hittite me-er-zi, ne permet évidemment pas d'y voir de lointains cousins, des cognats, dérivant d'une langue commune ! Je dis ça pour tous les abruti·e·s·x qui se permettent encore de remettre en cause la linguistique comparative et historique. Notez, vu la façon dont on traite la science de nos jours, on ne devrait pas trop s'en étonner.)

    Un tout petit mot, sur le sanskrit ?

    Le sanskrit (संस्कृतम्, saṃskṛtam, parachevé”) s'est parlé, et écrit, autrefois dans le sous-continent indien. On retrouve des traces écrites du sanskrit védique (le sanskrit archaïque employé pour composer les quatre Védas,
    Rig-Véda, Yajur-Véda, Sama-Véda et Atharva-Véda,

    (respectivement Premier Véda, Deuxième Véda, Troisième Véda, et Quatrième Véda)

    (mais non, bien sûr : Véda pouvant être traduit par connaissance, nous avons, respectivement, la Connaissance des Versets, la Connaissance du Sacrifice Rituel, la Connaissance des Mélodies et des Chants, et la Connaissance d'Atharvan, du nom d'un groupe de Rishis, que l'on peut qualifier de sages.)


    quatre Védas que l'on fait remonter à une période s'étalant de -1700 à -1200. Oui, quand même.

    De nos jours, même s'il compte toujours parmi les 22 (!) langues officielles de l'Inde, il n'est plus pratiqué que par quelques érudits, mais continue à être la langue sacrée des textes de l'hindouisme et du bouddhisme.

    Il est toujours aussi la langue des ouvrages littéraires et scientifiques, un peu à la manière du latin chez nous naguère (rappelons-nous qu'en 1687, c'est encore en latin que Newton publiera ses Philosophiae Naturalis Principia Mathematica),

    mais malgré tout cela, il n'est plus parlé que par
    à tout casser, et en étant très optimiste-,
    un petit pourcent de la population indienne, même si, lors d'un recensement récent, 14000 personnes l'ont présenté comme leur langue principale (à ne pas confondre avec langue maternelle).

    Au risque de vous heurter, sanskrit n'est pas son vrai nom, mais bien une appellation relativement récente. 




    Pendant des siècles, on l'a appelé भाषा, bhāṣā, ou वाच्, vāc, ou encore शब्द, śabda : “la parole, la langue”. Je dirais même LA parole, LA langue. (Ze oineuaaanh, pour les Parisiens)La langue des dieux, la seule langue possible...


    - Jack-Ben, c'est à toi, coco. On se bouge ! En régie, la poursuite, sur Jack-Ben !

    Ô nuit désastreuse ! ô nuit effroyable, où retentit tout à coup, comme un éclat de tonnerre, cette étonnante nouvelle : l'appellation sous laquelle on connaît le sanskrit se meurt, l'appellation sous laquelle on connaît le sanskrit est morte.
    Jacques-Bénigne Bossuet
    qui naissait il y a 394 ans et à peine quelques jours,
    le 27 septembre 1627.

    L'influence du sanskrit est encore visible sur bon nombre de langues actuelles, comme l'hindi, l'ourdou, le bengali, le marathi, le cachemiri, le pendjabi, le népalais, le konkani, le gujarati, le dogri, l'oriya, l'assamais, voire le romani...


    ah ça, mais... le bengali n'est pas laid


    elles sont presque toutes sur la carte...




    Allez, entrons dans le… vif du sujet, avec…
    • le sanskrit मरति, máratimourir, s'éteindre, décéder, périr…”.

    Tiens, je vous parlais, juste au-dessus, de toutes ces langues profondément influencées par le sanskrit…

    Eh ben, je vous citerais bien quelques-uns des dérivés de मरति, márati, mourir, s'éteindre, décéder, périr...”, choisis avec amour parmi ces fameuses langues-filles :
    • l'assamais মৰা, mora,
    • le bengali মরা, môra,
    • le gujarati મરવું, marvũ,
    • l'hindi मरना, marnā,
    • le marathi मरणे, marṇe,
    • le népalais मर्नु, marnu,
    • le pendjabi ਮਰਣਾ, marṇā,
    • l'ourdou مرنا, marnā,
    • le cachemiri مَرُن, marun... 

     

    (Parions que vont surgir sur FB d'élégants commentaires portant sur ce marun dans le titre, du type marun ???, provenant d'énergumènes incapables de lire un article jusqu'au bout, mais prêts, décomplexés, à le commenter avec exaspération. Ça tombe bien, ils m'exaspèrent aussi.)

    cachemire marin




    Si vous aimez causer sanskrit, le dérivé qui suit est fait pour vous, puisqu'il s'agit d'un verbe... causatif




    Vous emploierez le causatif pour exprimer que le sujet oblige l'objet à effectuer une action, qu'il lui fait effectuer cette action.

    Et en sanskrit, transformer un verbe somme toute très correct et propre sur lui en un causatif est enfantin : tout d'abord, par alternance vocaliquevous transformez sa voyelle-pivot (i devient e, u devient o, a devient ā, vous voyez le genre...) et puis, pour faire joli, vous lui rajoutez le suffixe -ay. 
    C'est en tout cas comme ça que je comprends la chose.

    Ah oui, encore une, de chose
    - je dis ça je dis rien, mais ça pourrait servir -,
    un ṛ est un r vocalisé, qui se transformera en ā...

    pom pom pom...


    Et la classe totale -, pour conjuguer un verbe à la troisième personne du singulier du présent, ce qu'il est coutume de faire quand vous causez d'un verbe sanskrit, vous lui rajoutez une magnifique terminaison en -ati (ce qui fait tout de suite nettement plus sanskrit, vous en conviendrez).

    Simple ! 


    Si je vous donne le radical verbal bhū, être, exister
     - issu de la racine *bheuə-/*bʰuH- ; relisez donc, s'il le fallait encore, Être ou ne pas être, cogito ergo sum, et toutes ces sortes de choses..., ou même, bien plus proche de nous, Heyr himna smiður -,
    vous en faites bhāv-ay
    (ah, ne commencez pas, hein ! Oui, il y a un v, et pas de o. Et si vous voulez tout savoir, le ū original devait donner un o, mais ce dernier se transforme en av quand il est suivi d'une voyelle ; c'est bon, on peut continuer ?),
    bhāv-ay, au sens de faire exister”, donc... créer”.

    À la 3ème personne du singulier : bhāvayati“il fait exister : il crée.


    Allez, encore un : si je vous donne le radical verbal pour manger”, khad, vous en ferez... khād-ay.

    khādayati se traduira littéralement par “il fait manger”, donc, il nourrit”.


    Et si nous partons à présent du radical mṛ, mourir”, nous obtiendrons...
    [mār, mār-ay, mārayati...]
    ouiiii ! मारयति, māráyati, il fait mourir”, d'où... il met à mort, il tue”.


    Voilà, bravo !!!, vous venez de trouver tous seuls, comme des grands, le dérivé suivant,
    • le sanskrit मारयति, māráyati, mettre à mort, tuer”.

    mais non, je ne me f**s pas de vous,
    qu'est-ce qui vous fait dire ça ?




    Nous avions déjà mentionné
    • l'adjectif मृत, mṛtá, “mort”,
    dont... 
    • मर्त, marta, le mortel, l'homme”, est un parfait dérivé.

    Si je vous le rappelle, c'est que je ne peux m'empêcher de vous signaler qu'un développement sémantique similaire (homme =mortel) s'est produit dans la famille des langues iraniennes, avec...
    • le kurde septentrional (rehaussons le niveau, voulez-vous : le kurmandji) mêr, “homme”, à rapprocher de cet autre kurmandji mirî, “mort”,
    • le vieux perse 𐎶𐎼𐎫𐎡𐎹, m-r-t-i-yhomme,
      • d'où le moyen perse mlt', mard,
        • d'où le perse مرد‎, mard, homme” (opposé à femme), que nous pouvons associer à cet autre perse مردهmordemort”.

    Oh, tant qu'à faire, citons encore le perse مردن‎ , mordan, “mourir”, à relier au perse مردم‎, mardom, “les gens, le peuple”.







    Voilà, c'est dit. 
    Maintenant, promis juré, on poursuit en sanskrit.

    Avec...
    • मार, mā́ra, “destruction, meurtre (à grande échelle : extermination...), peste...”.
    Eh oui, vous l'avez compris, ce sanskrit मार, mā́ra correspond à cette sémantique particulière rencontrée, par exemple, dans...
    • le lituanien māras“peste, mort...”,
    • le russe médical мор, mor, peste, maladie infectieuse...,
    • le tchèque mor, “peste ; maladie hautement contagieuse”,
    • le polonais (désuet) mór“peste, maladie endémique...”.

    Et il y a une excellente raison à cela !
    (au fait que le sanskrit soit sémantiquement si proche de ces mots baltes et slaves ; vous le prenez, ce café fort ?)
    Mais oui : tous ces dérivés sont issus de la même forme indo-européenne, *mor-o-


    racine proto-indo-européenne (degré plein, timbre e) *mer-mort”
    forme de degré plein, timbre o, *mor-o- 



    Le moyen mnémotechnique infaillible (celui de la mort qui tue ?) pour retenir cette étymologie : pensez que pour l'extermination des rats, on utilise de la *mor-o rats.



    Et NON, je ne pense vraiment pas que la ressemblance
    entre son patronyme et le sanskrit मार, mā́ra,
    ait quoi ce ce soit à voir avec l'assassinat de Marat




    Bon, je ne vais pas vous débiter la totalité des dérivés sanskrits de notre *mer-mort”, hein ; je crois que vous avez compris à quel point cette racine toute mimi a imprégné les langues indo-iraniennes, et en particulier le sanskrit. 


    - Mmmh ? Bon, d'accord, encore un
    - mais ce sera le dernier -,
    qui sort un peu du lot :
    • le sanskrit मरु, marú, “désert, terres désolées, terrain vague”. Oui, comprenez une zone où rien ne vit...
    ça, pour un terrain vague, c'est un terrain vague.
    Rien n'y vit. Ou alors des rats, mais dans ce cas,
    on a toujours la forme de degré plein, timbre o, *mor-o-.




    Et voilà, nous y sommes...

    À la fin de cet improbable voyage, qui nous a fait parcourir la Rome antique, les contrées germaniques, l'Eire et la Gaule antique, la Grèce antique, la glorieuse Arménie, les plaines et reliefs baltes et slaves, les confins de l'Anatolie antique, et enfin la Perse antique, et les Indes... 


    Merci à vous tous de m'avoir accompagné dans ces pérégrinations, parfois ces... divagations.





    Je vous souhaite, à toutes et tous,
    un excellent dimanche, une heureuse semaine.


    Longue vie à vous tous !






    Frédéric

    ******************************************
    Attention,
    ne vous laissez pas abuser par son nom :
    on peut lire le dimanche indo-européen
    CHAQUE JOUR de la semaine.
    (Mais de toute façon,
    avec le dimanche indo-européen,
    c’est TOUS LES JOURS dimanche…)

    ******************************************

    Pour nous quitter,

    Un hommage, en musique,
    de l'Occident à l'Orient.

    De la modernité à nos lointains ancêtres.


    C'est un peu le but de ce long voyage que nous venons nous-mêmes d'accomplir, non ?



    Voici une version enfin dépouillée, simplifiée, revue et magnifiquement "remixée", de

    Across the universe,

    des Beatles.


    Vous y entendez le mantra sanskrit

    जय गुरुदेव ॐ, Djai (ou Djaya) gourou dev(a) oṃ,

    devenu célèbre en occident précisément par cette chanson,

    et qui pourrait se traduire par "gloire à celui, rayonnant, qui chasse les Ténèbres"...

    Tout un programme.

    https://youtu.be/BSxOand6pdU

    ******************************************

    Vous voulez être sûrs (sûrs, mais vraiment sûrs) de lire chaque article du dimanche indo-européen dès sa parution ? Hein, hein ? Vous pouvez par exemple...
    • vous abonner par mail, en cliquant ici, en tapant votre adresse email et en cliquant sur “souscrire”. ET EN CONFIRMANT le lien qui vous arrivera par email dans les 5 secs, et vraisemblablement parmi vos SPAMS (“indésirables”), ou

    ****************************************** 

    article suivant : Nobis omnes conscii sumus...

    5 commentaires:

    Unknown a dit…

    "Bon, je ne vais pas vous débiter la totalité des dérivés sanskrits de notre *mer-, “mort”, hein ;"
    Un "vilain" jeu de mots (mnémotechnique encore) avec la mer morte ? ;=)
    Bien à vous !
    Serge

    Frédéric Blondieau a dit…

    @Serge

    :-D Hé, mais non ! C'est moi qui fais les jeux de mots, ici !
    J'avoue que je n'y avais pas pensé, merci !

    Bien à vous,
    Frédéric

    Unknown a dit…

    C'est la fin de la mort mais j'espère bien qu'il y aura une suite, une renaissance...
    Merci, en tout cas, pour 3 mois de "mer"

    Frédéric Blondieau a dit…

    @Unknown

    :-) Merci de votre formidable commentaire !
    Et oui, je peux vous rassurer, il y aura bien une suite, avec une nouvelle racine à découvrir...

    LeScrat a dit…

    "Avec la *mer du Nord
    Pour dernier marú"

    effectivement, ça aurait sonné moins bien ;-)

    Mais c'est peut-être un bon moyen mnémotechnique.

    Tiens, ça me rappelle un lointain souvenir (j'aurais bien dit "mémoire d'outre-tombe" mais je n'ai jamais vécu dans un brillant château): J'ai 12 ou 13ans et il me faut pour le lendemain - ô procrastination quand tu nous tiens- avoir ingurgité une interminaaaable liste de vocabulaire latin. Invariablement, j'achoppe sur "nex, necis" (mort violente) et mon père commence à s'en agacer. Si je n'avais étudié dans la pièce de vie qu'était notre cuisine, JAMAIS je n'aurais aperçu la fameuse boite jaune - tu sais celle qui contient la poudre destinée à la confection de liquide chocolaté- qui me sauva de l'inévitable colère paternelle. Quand t'es mort, t'es quick. Nex-quick! Simple! Et assimilé..à vie.

    Comment aurais-je pu imaginer que des décennies plus tard (tripette au regard de l'éternité), le tout premier article de cet extraordinaire Dimanche indo-européen me replongerait avec délices dans cette époque et dans un bol de cacao fumant.. Mmmh..Mmmerciiiiiii, Fred!

    Merci aussi pour ce ..bouquet final résolument facétieux et .. vivifiant.

    Ah, oui,..Si le bengali n'est pas laid, il est lourd, doux, ça oui?

    Excellente semaine!!