- Paraît chaque dimanche à 8 heures tapantes, méridien de Paris -

dimanche 22 janvier 2023

À York, il y a beaucoup de distributeurs automatiques de billets.





À York, il y a beaucoup de distributeurs automatiques de billets.

Et d'ailleurs, ATM (automated teller machine, distributeur automatique de billets) provient du sanskrit आत्मन्, ātman« souffle, esprit », les Rothschild et autres Illuminati qui ont inventé le terme sachant parfaitement que l'argent est le souffle, l'âme du monde.
L'âme de cette planète qui est plate.


Sagesse d'Internet



les distributeurs de billets,  à York





Chers lecteurs, bonjour.



Nous poursuivons aujourd'hui l'étude des dérivés latins de notre formidable racine proto-indo-européenne...


*men-« penser ».


Psss, tout à fait entre nous :
pour retrouver le résumé des articles précédents de cette étude, voyez :


Et nous avons encore plein de choses à dire sur le verbe moneō« faire savoir, faire se souvenir, faire songer à », « avertir, recommander, instruire, annoncer, prédire, conseiller... », qui descend

- je me permets de vous le rappeler - 

d'une forme indo-européenne causative de notre*men- bien-aimée*mon-eie-.


Si, comme nous allons le voir dans les semaines qui viennent, de nombreux mots français et d'autres langues dérivent de moneō, le mot que nous traitons en ce dimanche est du même ordre que l'anglais York : construit sur des sables mouvants.

(relisez donc Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire)


Ce mot dont l'histoire est tout bonnement remarquable, c'est notre français... 

notre français... 

...

notre français... 

...

monnaie !




Non, n'essayez même pas de trouver le moindre raisonnement logique qui puisse expliquer le passage de...

moneō, « faire savoir, faire se souvenir, faire songer à ; avertir, recommander, instruire, annoncer, prédire, conseiller... »

à

monnaie, « pièce de métal, de forme caractéristique, dont le poids et le titre sont garantis par l'autorité souveraine, certifiés par des empreintes marquées sur sa surface, et qui sert de moyen d'échange, d'épargne et d'unité de valeur ».

Et en effet, il n'y a aucun lien sémantique qui se tienne. Aucun. AUCUN.

Vous ne trouverez pas ici de savant glissement de sens, de sens secondaire capillotracté qui vous permette de relier les deux mots.


Comme la linguistique comparative nous le montre, 
- ce que ne comprennent pas ces comiques d'activistes inclusivistes -,
les mots s'imposent à une société car la langue n'est que le reflet de la vision du monde qu'a cette société. Dans ce sens-. Ce n'est pas par l'imposition arbitraire de mots du chef de groupuscules fanatisés que l'on peut altérer la vision du monde qu'a une société définie ; ça se saurait. Taré⸱e⸱s⸱x, va.

c'est c'la, oui.


La langue est avant tout un outil, et il serait parfaitement inutile de créer des mots pour des choses qui n'existent pas, qui ne correspondent pas au monde dans lequel les utilisateurs de ces mots évoluent. 

Et dans le cas qui nous occupe, ce sont vraisemblablement les circonstances qui ont créé un mot...


Approchez, les enfants, que je vous raconte ça.




Il nous faut savoir que Junon 
- oui oui, je parle bien de Juno, Iūno, la reine des dieux dans la Rome Antique -,

avait notamment comme épithète Monēta (« Iūno Monēta » ; ce qui a franchement de la gl).


Junon

Mais avant d'aller plus loin, dites-moi, connaissez-vous Livius Andronicus ?


Il s'agit d'un esclave grec affranchi, né vers -284 à Tarentum, en Magna Graecia

- oui, Tarentum devenu Taranto, en Italie -

et mort vers -204, peut-être à Rome.


Nous lui devons Odyssia, une traduction de
- je vous le donne en mille -
Ὀδύσσεια, Odýsseia, l'Odysée d'Homère.

Il n'en reste plus grand-chose, de sa magistrale Odyssia, et apparemment... : heureusement, car d'après ce qu'on en sait, l'intérêt poétique et épique de l'œuvre était lamentablement pauvre.

Malgré tout, son Odyssia
- dont on n'a conservé que des bribes, donc -
est souvent considéré comme le premier poème majeur en latin, et également comme le premier exemple connu de traduction artistique.

En outre
- et ce n'est pas rien -,
c'est grâce à Livius Andronicus que nous appelons le héros grec Ὀδυσσεύς, Odysseús... Ulysse ; notre français Ulysse dérivant du latin Ulysses, déformation du nom par lequel Livius Andronicus avait baptisé Odysseús dans sa traduction : Ulixes.

Livius Andronicus
(je pense)

- Bon, on a compris, et alors ??
- Mais on y arrive, enfin, prenez une grande respiration et vous verrez, ça ira déjà mieux.


Si je prends la peine de vous parler de ce bon Livius Andronicus,


c'est qu'il s'est servi de ce Moneta pour traduire l'homérique Μνημοσύνη, Mnêmosúnê (qui devait figurer dans les vers 480-1 ou 488 du chant VIII de l'Odyssée ; vous pouvez vérifier) dans ce passage :

Nam diva Monetas filia docuit..., « puisque la fille divine de Moneta a enseigné... ».

(Mnémosyne était certes la déesse grecque de la Mémoire, mais aussi la mère des Muses, ces filles divines ; on relit Le véritable mélomane...).


Mais voilà ! 

Si je comprends bien

- mes sources, sur ce coup-là, étant peu claires et de plus discordantes  -,

il y aurait eu, à un moment ou un autre, confusion, car Monēta pouvait aussi bien être

  • l'une des épithètes de Junon (pour donner le classieux Iūno Monēta)

que

  • le nom latinisé de la déesse de la Mémoire grecque, Μνημοσύνη, Mnêmosúnê, à qui les Romains vouaient également un culte. Romanisé, lui.
Il y avait donc deux Moneta !
  • La déesse romaine correspondant à la grecque Mnémosyne,
et
  • l'épithète de Junon. Ouiii, le Moneta de - aaaah - Iūno Monēta.

DEUX !



Cicéron pensait que Monēta, en tant qu'épithète de Junon, provenait de moneō, « avertir... »

les oies sacrées du Capitole qui avaient beuglé comme des bêtes pour prévenir de l'invasion des Gaulois en -390 étant consacrées à... Junon, bravoo !,

ce qui faisait du délicieux Iūno Monēta : Junon, « celle qui nous avertit, nous prévient »

les oies du Capitole (en blanc)




Cependant, de nos jours, cette étymologie est largement remise en cause. 

Jusque là... Mais personne n'est vraiment d'accord avec personne

Et moi, je suis là, au milieu de la mêlée.



Je vous livre trois étymologies que je considère comme plausibles à - aaaah - Iūno Monēta :



  1. L'épithète Monēta dériverait du grec ancien μονήρης, moneres, « seule, unique... » : Junon, l'Unique ;

  2. Jean Haudry penche lui pour le prolongement, en Iūno Monēta, d'une ancienne « déesse au collier » distributrice de richesses, assimilée donc à Junon ;

  3. Il y aurait bien eu assimilation, mais non entre une ancienne déesse au collier et Junon, mais plutôt entre la déesse Moneta (la Mnémosyne romanisée ; on suit) et Junon, quand le culte de Moneta, extérieur à Rome, aurait été transféré intra muros.

Remarquez que par cette troisième étymologie, nous pourrions encore faire de l'épithète Monēta un dérivé greco-latin de notre indo-européenne *men-« penser », mais je ne m'avancerais pas sur ce terrain décidément mouvant.


Ce qui est sûr, en revanche, c'est que, par métonymie, le terme Monēta s'est appliqué au temple même où Junon était adorée à Rome, et à côté duquel (où carrément dans lequel ?)... on frappait la monnaie

Pour Jean Haudry, vous l'aurez compris, ce ne serait pas un hasard si c'est là que l'on frappait la monnaie, puisque Iūno Monēta était distributrice de richesses, présidant donc à la... monnaie.

le temple de Iūno Monēta

ce qu'il en reste



Par la suite, monēta prendra les sens de
- ô, merci, Alain Rey -
« frappe des pièces » et « pièces de métal servant de moyen de paiement ».


D'où, issu en 1170 du latin moneta, notre ancien français monoie, devenu monnoye, remplacé progressivement et finalement par sa forme actuelle monnaie en 1549.

Quant à monétaire, il ne s'agit que d'un emprunt ultérieur, de 1596, au bas latin monetarius« relatif à l'argent, aux monnaies », toujours dérivé, évidemment, de moneta.

Grâce à sa forme préservée, nous avons conservé en français un lointain souvenir de la belle Iūno Monēta.




Alors quoi, monnaie, dérivé du latin moneō, ou en tout cas, via le grec et le latin, de la racine indo-européenne *men-« penser » ?

Moi pas savoir.




Portez-vous bien.




Frédéric






******************************************
Attention,
ne vous laissez pas abuser par son nom :
on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…)

******************************************

Et pour nous quitter…

une composition de Bruckner, sur un texte médiéval,

Virga Jesse.


Et ce sont les merveilleux chanteurs de

Tenebrae

qui nous l'offrent.

Un havre de paix, après cet article tumultueux.


******************************************

Vous voulez être sûrs (sûrs, mais vraiment sûrs) de lire chaque article du dimanche indo-européen dès sa parution ? Hein, hein ? Vous pouvez par exemple…
  • vous abonner par mail, en cliquant ici, en tapant votre adresse email et en cliquant sur “souscrire”. ET EN CONFIRMANT le lien qui vous arrivera par email dans les 5 secs, et vraisemblablement parmi vos SPAMS (“indésirables”), ou bien…

******************************************

4 commentaires:

Benoît a dit…

Dis donc, Livius Andronicus ressemble furieusement à Cicéron... c'est fou!

Frédéric Blondieau a dit…

Ah mince, voilà ce qui arrive quand on travaille trop longtemps et trop tôt...

Merci Benoît, passe une excellente après-midi !
fred

Giellesse a dit…

Passionnant, comme d'habitude. Quant à l'humour, j'ai beaucoup apprécié la légende de l'illustration 11 :" Les oies du Capitole, EN BLANC !"

Frédéric Blondieau a dit…

:-) Merci, Giellesse !