Et nous avons encore plein de choses à dire sur le verbe moneō, « faire savoir, faire se souvenir, faire songer à », « avertir, recommander, instruire, annoncer, prédire, conseiller... », qui descend
- je me permets de vous le rappeler -
Si, comme nous allons le voir dans les semaines qui viennent, de nombreux mots français et d'autres langues dérivent de moneō, le mot que nous traitons en ce dimanche est du même ordre que l'anglais York : construit sur des sables mouvants.
(relisez donc Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire)
- ce que ne comprennent pas ces comiques d'activistes inclusivistes -,
c'est c'la, oui. |
- oui oui, je parle bien de Juno, Iūno, la reine des dieux dans la Rome Antique -,
avait notamment comme épithète Monēta (« Iūno Monēta » ; ce qui a franchement de la gl).
Junon |
Mais avant d'aller plus loin, dites-moi, connaissez-vous Livius Andronicus ?
Il s'agit d'un esclave grec affranchi, né vers -284 à Tarentum, en Magna Graecia
- oui, Tarentum devenu Taranto, en Italie -
et mort vers -204, peut-être à Rome.
- je vous le donne en mille -
- dont on n'a conservé que des bribes, donc -
- et ce n'est pas rien -,
Livius Andronicus (je pense) |
- Bon, on a compris, et alors ??- Mais on y arrive, enfin, prenez une grande respiration et vous verrez, ça ira déjà mieux.
Si je prends la peine de vous parler de ce bon Livius Andronicus,
c'est qu'il s'est servi de ce Moneta pour traduire l'homérique Μνημοσύνη, Mnêmosúnê (qui devait figurer dans les vers 480-1 ou 488 du chant VIII de l'Odyssée ; vous pouvez vérifier) dans ce passage :
Nam diva Monetas filia docuit..., « puisque la fille divine de Moneta a enseigné... ».
(Mnémosyne était certes la déesse grecque de la Mémoire, mais aussi la mère des Muses, ces filles divines ; on relit Le véritable mélomane...).
Mais voilà !
Si je comprends bien
- mes sources, sur ce coup-là, étant peu claires et de plus discordantes -,
il y aurait eu, à un moment ou un autre, confusion, car Monēta pouvait aussi bien être
- l'une des épithètes de Junon (pour donner le classieux Iūno Monēta)
que
- le nom latinisé de la déesse de la Mémoire grecque, Μνημοσύνη, Mnêmosúnê, à qui les Romains vouaient également un culte. Romanisé, lui.
- La déesse romaine correspondant à la grecque Mnémosyne,
- l'épithète de Junon. Ouiii, le Moneta de - aaaah - Iūno Monēta.
Cicéron pensait que Monēta, en tant qu'épithète de Junon, provenait de moneō, « avertir... »,
les oies sacrées du Capitole qui avaient beuglé comme des bêtes pour prévenir de l'invasion des Gaulois en -390 étant consacrées à... Junon, bravoo !,
ce qui faisait du délicieux Iūno Monēta : Junon, « celle qui nous avertit, nous prévient ».
Jusque là... Mais personne n'est vraiment d'accord avec personne.
Et moi, je suis là, au milieu de la mêlée.
Je vous livre trois étymologies que je considère comme plausibles à - aaaah - Iūno Monēta :
- L'épithète Monēta dériverait du grec ancien μονήρης, moneres, « seule, unique... » : Junon, l'Unique ;
- Jean Haudry penche lui pour le prolongement, en Iūno Monēta, d'une ancienne « déesse au collier » distributrice de richesses, assimilée donc à Junon ;
- Il y aurait bien eu assimilation, mais non entre une ancienne déesse au collier et Junon, mais plutôt entre la déesse Moneta (la Mnémosyne romanisée ; on suit) et Junon, quand le culte de Moneta, extérieur à Rome, aurait été transféré intra muros.
Remarquez que par cette troisième étymologie, nous pourrions encore faire de l'épithète Monēta un dérivé greco-latin de notre indo-européenne *men-, « penser », mais je ne m'avancerais pas sur ce terrain décidément mouvant.
Ce qui est sûr, en revanche, c'est que, par métonymie, le terme Monēta s'est appliqué au temple même où Junon était adorée à Rome, et à côté duquel (où carrément dans lequel ?)... on frappait la monnaie.
Pour Jean Haudry, vous l'aurez compris, ce ne serait pas un hasard si c'est là que l'on frappait la monnaie, puisque Iūno Monēta était distributrice de richesses, présidant donc à la... monnaie.
le temple de Iūno Monēta |
ce qu'il en reste |
- ô, merci, Alain Rey -
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4 commentaires:
Dis donc, Livius Andronicus ressemble furieusement à Cicéron... c'est fou!
Ah mince, voilà ce qui arrive quand on travaille trop longtemps et trop tôt...
Merci Benoît, passe une excellente après-midi !
fred
Passionnant, comme d'habitude. Quant à l'humour, j'ai beaucoup apprécié la légende de l'illustration 11 :" Les oies du Capitole, EN BLANC !"
:-) Merci, Giellesse !
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