article précédent : l'apiculteur, passionné, procéda à un examen d'essaim
"Mon aversion pour le travail a été la première chose qui m'ait fait transiger avec ma conscience.”
Le Roman d'un enfant,
Le Roman d'un enfant,
Pierre Loti
Bonjour à toutes et tous !
Nous sommes aujourd'hui le 26 avril 2020, nous continuons à nous confiner,
et nous poursuivons notre tour des dérivés de la charmante racine indo-européenne...
De ses dérivés, nous connaissons déjà, je vous le rappelle :
- digeste, gérer, gérondif, gestation, geste, indigeste, suggérer,
un exemple de gérondif ? "En digérant"., 16 février 2020,
- agir, agiter, ambages, ambigu, cailler, coaguler, cogiter, exiger, exigu,
exiger de s'agiter sans ambages, c'est un peu ambigu, non ?, 23 février 2020,
- acte, acteur, action, actually, actuel, actuellement, agence, agent, agissements,
et... action !, 1er mars 2020,
- aurige, cacher, cachet,
et la statue de l'aurige, celle qu'on vient de retrouver à Delphes, on va l'appeler COMMENT ???, 8 mars 2020,
- décati, squat, squatter,
et encorel'anglais squatte le français, 12 avril 2020,
- l'espagnol et le portugais cuidar, nos français essai, essaim, exact, exaction, examen, exiger (pour compléments d'informations), et outrecuidant
l'apiculteur, passionné, procéda à un examen d'essaim, 19 avril 2010
Et je le reprécise, ces dérivés nous arrivent,
d'une façon ou d'une autre,
du latin agō, -ere, “mouvoir, (se) conduire, faire, agir...”, ou du latin gerō, gerēre, “porter, transporter”.
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racine proto-indo-européenne *h₂eǵ-e/o-, “conduire, diriger”
⇓
proto-italique *ag-e/o-, “faire, agir”
⇓
latin agō, -ere, “mouvoir, (se) conduire, faire, agir...”
proto-italique *ag-e/o-, “faire, agir”
⇓
latin agō, -ere, “mouvoir, (se) conduire, faire, agir...”
**********
racine proto-indo-européenne *h₂eǵ-e/o-, “conduire, diriger”
⇓
racine post-indo-européenne *h₂ǵ-es-, “transporter”
⇓
proto-italique *ges-e/o-, “transporter”
⇓
latin gerō, gerēre, “porter, transporter”
racine post-indo-européenne *h₂ǵ-es-, “transporter”
⇓
proto-italique *ges-e/o-, “transporter”
⇓
latin gerō, gerēre, “porter, transporter”
**********
Au menu d'aujourd'hui, mes amis, encore
- oui, oh, je sais -
quelques dérivés du latin agō, -ere, “mouvoir, (se) conduire, faire, agir...”.
Pour cet article,
alors que les musées vous proposent de recréer les tableaux les plus célèbres avec les moyens du bord,
tous, et plein d'autres, ici |
je vous proposerai, moi, de trouver des mots français, qui, à l'origine, descendent de composés créés sur cet incroyable latin agō, -ere.
Et c'est là que le bât blesse...
Car, ainsi construits, on ne les associe pas immédiatement à ce dernier.
Ah oui, j'oubliais !
Avant cela, parlons rapidement d'un dérivé évident de agō, -ere -, que nous avons emprunté au XIVème, qui n'est jamais tombé en désuétude, qui n'a vraiment rien d'exceptionnel, mais qui a trouvé depuis quelques années un tout nouveau champ d'application...
Agile !
Emprunté au latin agilis, “qui avance vite, rapide...”.
Si vous avez l'immense chance de travailler dans l'informatique, ou en tout cas dans des projets où intervient une composante informatique, inévitablement, vous tomberez un jour ou l'autre sur la méthode agile.
Ou plutôt aidjaïle, comme vous diraient les vrais consultants, en costume - cravate,
ceux qui sont tellement intelligents. Et pleins de compassion, cultivés, humbles, et débordant d'amour pour autrui, et qui ne confondent surtout pas réussite sociale avec accomplissement d'un long et pénible travail intérieur permettant peut-être de devenir un homme meilleur.Selon cette méthode, ou plutôt approche, les projets de développement logiciel se font par petits pas, progressifs, plutôt qu'à l'ancienne, où on s'intéressait au produit fini une fois qu'il était... fini.
Je veux dire entièrement fini.
Bref.
(Et en italien, lavoro agile, c'est le “travailler malin”, aujourd'hui pratiquement confondu avec le télétravail.)
Allez, passons à ces fameux dérivés de composés que VOUS devrez trouver...
Le principe du jeu est simple, voire élémentaire :
je vous donne la définition du mot,
tirée du ©Grand Robert de la langue française ;c'est vous qui le trouvez.
- Maisje ?? - Non, rien. |
Si vous voulez jouer le jeu, ne lisez pas trop vite ; donnez-vous le temps de trouver le mot correspondant à la définition donnée, avant de passer à la ligne suivante.
Bon, maintenant, c'est vous qui voyez.
On y va !
Le premier ?
Faire des concessions réciproques, de manière à régler, à terminer un différend.
...
...
...
...
Transiger !
Emprunt de 1343 au latin transigĕre, composé de trans-, “au-delà, de part en part...”, et de... agere.
Le latin transigĕre signifiait, au sens figuré, mener à bonne fin, conclure...
C'est dans le vocabulaire juridique qu'il a été introduit, au sens de “faire des concessions pour régler un différend (et par là-même, arriver à bonne fin)”.
L'humilité consiste à transiger avec le mensonge. Miguel de Unamuno |
*****
Le deuxième ?
En droit, contestation donnant matière à procès.
...
...
...
...
Litige !
Emprunté au latin litigium, “contestation, dispute, querelle...”
Et litigium
- je sais, c'est incroyable -
dérive de litigo, composé de agō, ici au sens de faire, et de lītem, accusatif de līs, “procès, débat”.
John_McEnroe, qui, à Roland-Garros en 1984, contesta une balle litigieuse en apostrophant l'arbitre, les spectateurs et les cadreurs, au point que son adversaire José Higueras demanda à genoux à l'arbitre de lui donner le point https://fr.wikipedia.org/wiki/John_McEnroe |
*****
Le troisième :
(notamment) faire fournir des efforts excessifs à....
...
...
...
Fatiguer.
Emprunt du début du XIVème au latin classique fatīgō, “faire crever (un animal)”,
puis, d'affaiblissement en affaiblissement,“accabler”, pour en arriver, à l'époque impériale, à “importuner, vexer...”.
Fatīgō, composé de (probablement)... fatis, “fente, crevasse”, d'où vraisemblablement “fatigue extrême”,
et de, de, de ?? agō.
*****
Le quatrième, et dernier pour aujourd'hui :
Voyager, se déplacer sur l'eau, en parlant des navires, et de leurs passagers.
...
...
...
...
Naviguer.
Emprunté, lui, fin du XIVème, au latin nāvigō, “voyager sur mer, sur eau”, composé sur nāvis, “bateau”, et de... agō”.
Si naviguer conserve une forme qui évoque encore agō, son doublet, lui, ne lui ressemble plus vraiment...
Je veux parler de... nager !
Issu, lui, par pure évolution phonétique (via réduction), de ce même latin nāvigō.
Eh oui !
Nager,
attesté sous la forme nagier en 1080,a d'abord signifié naviguer, ramer... !
Fin du XIIème, il prendra son sens moderne de...
se soutenir et avancer à la surface de l'eau, se mouvoir dans l'eau par des mouvements appropriés,en évinçant froidement l'ancien français noer, proprement “nager”, issu, lui, par le latin populaire *notare, du latin natāre, “nager”.
piscine belge d'après confinement |
Et là-dessus, je vous souhaite, à toutes et tous, un excellent dimanche confiné.
Tenez bon.
Et surtout, portez-vous bien.
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Attention,
ne vous laissez pas abuser par son nom :
on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…)
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Et pour nous quitter,
Un véritable concert,
depuis la maison...
(décidément)
Mariam Batsashvili
nous interprète à domicile...
Chopin, Liszt et Paderewski.
Rien que ça.
Tout simplement.
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article suivant : Fiodor Mikhaïlovitch, arrêtez de vous mortifier, pleeeease.
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6 commentaires:
C'est toujours un plaisir de lire vos articles, merci pour ces petits moments linguistiques !
Le gô qui, un beau matin de dimanche, vous écrit ceci:
«Et pleins de compassion, cultivés, humbles, et débordant d'amour pour autrui, et qui ne confondent surtout pas réussite sociale avec accomplissement d'un long et pénible travail intérieur permettant peut-être de devenir un homme meilleur.»
ne peut pas être tout à fait mauvais, et c'est tant mieux!
@Diane,
:-) Grand merci !
Frédéric
@Patrick Germain,
:-) J'aimerais le croire, mais attention, le diable est toujours là où on s'y attend le moins...
Merci, en tout cas !
Frédéric
Qui a pu oublier les contestations et les « You cannot be serious!» de John Mc Enroe? Tiens, en parlant de litige, l’italien emploie aussi en plus du sens juridique litigare comme (se)disputer, se fâcher avec qqun. Alors oui, on peut vraiment dire que Mc Enroe disputait littéralement ses matches!! Quant à l’espagnol litigar , employé au seul sens juridique, il a un doublet pour « combattre, lutter, faire face » , en général et dans le domaine de la tauromachie, en particulier : lidiar : Un toro de lidia, c’est un taureau de combat. Tu parles! Comme si on lui laissait la moindre chance...
On peut naviguer de bien des façons. Sur ou sous l’eau, dans l’air ou dans l’espace, entre les difficultés ou sur la Toile. Yes my ..browser! (Oh, je sais.. grosse fatigue) sans se déplacer d’un millipoil - ce qui tombe particulièrement en ces temps de confinement.
Mille mercis, Frédéric d’être notre Navigateur, notre GPS (Great Protoindoeuropean Specialist) pour ces merveilleux voyages spatiotemporels toujours aussi passionnants. Non mais vraiment! Quoi de mieux pour s’envoler un dimanche matin? Mais de toute façon, avec le dimanche indo-européen, c’est TOUS LES JOURS dimanche… ;-)
Oooh, j’aurais bien une idée : un autre rejeton de agō, -ere? Ici aussi son ascendance n’est pas frappante. À ton tour de jouer aux devinettes. Prêt? Go!
- …..
- A) Ce terme apparaît en l’année de la Révolution française dans l’ Histoire naturelle du Jorat et de ses environs, et celle des trois lacs de Neuchâtel, Morat et Bienne. (Ouiiii, de G. De Razoumowsky). Le mot latin en 4 lettres au nominatif singulier dont il est issu est composé de deux éléments dont le second agō. (Mais non c’est pas bizarre ! Puisque de ce agō, il ne subsiste que l’infixe -g- après condensation par agglutination)
-…
- B) Le premier élément du composé a aussi donné naissance à un verbe qui, en français et au sens figuré, signifie travailler avec peine, (se) fatiguer, y compris en parlant d’ordinateurs
- …
- C) L’emploi du mot latin dont le français s’est inspiré est un emploi poétique qui compare un mouvement aérien à un mouvement nautique
- …
- D) Ce mot mystère latin provient d’un autre qui désignait à la fois un objet nécessaire à la navigation et un habitant de la Gaule Belgique.
- …
- E) On pourrait pousser le bouchon un peu plus loin en révélant qu’avec un « ĕ » (court) plutôt qu’un « ē » (long), c’est aussi le nom d’un des jumeaux légendaires fondateurs de Rome
- …
- F) Tu as certainement déjà trouvé la réponse à la devinette mais si dans ton éternelle flemme tu attendais un dernier indice, il te suffit de te replonger dans le sous-titre de ton fooooooooormidable blog
- …
- G) Non? Toujours pas? J’en reviens pas! Bon, d’accord, un dernier indice :
des racines et des "L", mais aussi des "O", des "J", des "P" ... ...
- …
- H) Rien à faire? Bon allez! H comme Holgersonn https://www.youtube.com/watch?v=LSGkdADpRcs
Ouiiii! Mais bien sûr t'as trouvé dès le premier indice!
Allez hop!! En route pour de nouvelles z’aventures https://www.youtube.com/watch?v=dTxRveph1Ys
Excellente semaine à toi Frédéric! Et encore merci!
Oups! Les solutions? Avec plaisir!
A) rémige B)ramer D) remus: la rame, l'aviron Remus: le Rème E) je ne te ferais pas cette insulte ;-)
:-) Mince, quelle déferlante !!! MERCI, LeScrat, pour ces précisions et développements on ne peut plus intéressants... Ah oui, rame, bien vu !
Bon dimanche, et bonne semaine à toi !
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