article précédent : Je jure par Apollon, médecin, par Asclépios, par Hygie et Panacée, par tous les dieux et toutes les déesses
Ayn nunufar caɫikn or kay, busni yezers ǰrerun,
Ōjern zink‘n ku pahen, mard č‘i k‘aɫel noc‘a ahun.
(“Cette fleur de nénuphar pousse au bord de l'eau ;
les serpents la protègent, et les hommes n'osent les cueillir, par peur des serpents.”)
Bonjour à tous.
Oui, en ce dimanche, il sera encore question des dérivés que nous a laissés la racine proto-indo-européenne...
*mer-, “mort”.
Ce jour-là, nous avons également parlé...
- du datif singulier vénète 𐌌𐌖𐌓𐌕𐌖𐌅𐌏𐌝, murtuvoi, “mort”,
- d'autres dérivés latins de morior, morī, “mourir” :
- mortuus, “mort”, “qui a cessé de vivre”, “où rien ne se passe ; qui demeure sans vie, dont la vie s'est retirée”, dont est issu notre français mort,
- mors, mortis, “(la) mort”, dont est issu, par son accusatif mortem, le substantif français (la) mort,
- mortālis, “périssable, sujet à la mort”, d'où... “humain”, et son antonyme immortālis, que nous emprunterons pour en faire nos mortel et immortel,
ou encore
- le composé moribundus, que nous emprunterons sous la forme moribond.
Heyr himna smiður, 4 juillet 2021
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Le 11 juillet 2021, nous nous sommes penchés sur ses dérivés germaniques, au nombre desquels nous citerons...
- le vieux norois morð, “meurtre”, d'où...
- l'islandais morð, le norvégien mord, le suédois mord, le danois mord, ou le féroïen morð.
- le vieil anglais morð, “meurtre” (ou dans un emploi poétique, “mort, crime”), d'où le moyen anglais morth, murth, d'où l'anglais... murder, “meurtre”,
- le vieux frison morth, d'où le saterlandais Morde, Moort, “meurtre” et le frison occidental moard, “meurtre”,
- le vieux saxon morth, d'où le moyen bas allemand mōrt, d'où le bas allemand mort,
- l'ancien haut allemand, mord, d'où le moyen haut allemand mort, d'où l'allemand Mord, “meurtre”,
- le francique (non attesté) *murth, *morth, qui explique le vieux néerlandais morth, et à sa suite, le moyen néerlandais mort, dont sera issu le néerlandais moord,
- le vieux norois myrða, “assassiner”, d'où l'islandais myrða, “assassiner”, le danois myrde, “assassiner”, le norvégien Bokmål myrde, “assassiner”, le féroïen myrða, “assassiner”,
- le gotique 𐌼𐌰𐌿𐍂𐌸𐍂, maurþr, “meurtre”,
- le vieil anglais morðor, “meurtre”,
- le vieux francique *murthrjan-, “assassiner”, d'où l'ancien français meurtrir, murtrir, “assassiner”, d'où nos meurtre et meurtrissure.
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Le 18 juillet, nous nous baladions parmi les dérivés celtiques de notre racine *mer-, “mort”, dont notamment...
- le vieil irlandais marb, d'où l'irlandais marbh, le manxois marroo, le gaélique écossais marbh,
- le gallois marw,
- le moyen breton marf, maru, d'où le breton marv,
- le cornique marow,
- le moyen gallois marw, d'où le gallois marw.
Nous avions également traité des composés...
- moyen irlandais marbnad, d'où l'irlandais marbnath,
- moyen gallois marwnad, d'ou le gallois marwnad,
- moyen breton marvnad, d'où le breton marvnad, toujours “élégie”,
dont on pourrait retrouver la trace dans certains noms gaulois, avec...
- Vonatorix, qui désignerait un “Maître des chants”,
- Vanatactus, qui serait celui qui “mène ou dirige les chants”.
dob'i sidhe cēd-marbh Erenn diob, 18 juillet 2021
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Le 25 juillet, nous avons découvert quelques dérivés grecs anciens de notre racine *mer-, “mort”, dont...
Nous en avons profité pour comparer ces dérivés avec leurs cognats sanskrits :
- l'adjectif मृत, mṛtá, “mort”,
- मर्त, marta, “le mortel, l'homme”,
- अमृत, amṛ́ta, “immortel” , “élixir de vie, immortalité, nourriture et nectar des dieux”
Ambroise Paré s'était-il vraiment préparé à l'immortalité ?, 25 juillet 2021
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Le 1er août, nous passions en revue quelques théonymes et anthroponymes grecs anciens créés sur βροτός, brotós, “mortel” :
- Ἀκεσίμβροτος, akesímbrotos, “celui qui soigne les mortels”, épithète d'Esculape,
- τερψῐ́μβροτος, terpsímbrotos, “qui met en joie le coeur de l'homme”, épithète d'Helios,
- Βροτολοιγός, Brotoloigos, “le fléau des mortels”, épithète d'Arès,
- Ἐχέμβροτος, Ekhémbrotos, littéralement “qui possède des mortels”,
- Θεόμβροτος, Theómbrotos, littéralement “dieu des mortels (?)”,
- Κλεόμβροτος, Kleómbrotos, “glorieux mortel”,
- Στησῐ́μβροτος, Stēsímbrotos, “l'homme qui se tient debout” ou “l'homme établi” (?)
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Aujourd'hui, chers amis lecteurs,
en ce premier dimanche de mes vacances,
ensemble, nous allons voyager vers... l'Arménie.
Notre guide, pour ce beau voyage ?
Le passionné et passionnant Hrach Martirosyan,
l'auteur du superbe, riche, instructif...
Etymological Dictionary of the Armenian Inherited Lexicon, qui est en réalité le volume 8 du... Leiden Indo-European Etymological Dictionary |
Euh... pour les quelques naïfs qui n'avaient pas encore compris, si je suis en vacances, le dimanche indo-européen l'est aussi...
Et comme chaque année, les articles de vacances
seront plus courts que d'ordinaire, pour me permettre de souffler quelque peu.
Il n'y a pas le moindre doute, notre racine *mer-, “mort”, se retrouve bien en arménien.
Et je vous propose, pour découvrir ses dérivés arméniens, de commencer par l'arménien classique...
- մարդ, mard, au sens d'“homme, être humain”.
Car
- vous allez immédiatement faire le lien, si ce n'est déjà fait -
descendant de l'adjectif indo-européen *mŕ-to-, “mort”, il s'agit d'un magnifique cognat du grec ancien βροτός, brotós, “mortel, être humain”.
Mais pas que...
Rappelez-vous, et complétons :
racine proto-indo-européenne (degré plein, timbre e) *mer-, ”mort”
⇓
adjectif indo-européen (degré zéro) *mŕ-to-, “mort”
⇓
germanique *murþa-, “meurtre”,
celtique *marwo-, “mort”,
grec ancien βροτός, brotós, “mortel”,
arménien classique մարդ, mard, “homme, être humain”
Homme, être humain ? Mais oui, l'homme, parce que mortel, contrairement aux dieux, immortels, évidemment.
մարդ, mard, est attesté en abondance dans la Bible ; la Bible qui, rappelez-vous, fut le premier ouvrage jamais traduit en arménien.
- Maisje ?
- Et si vous relisiez ոչ լսեն ինձ, mmmh ?
Dans la Bible, lմարդ, mard, traduit certes parfois le grec ancien ἄνθρωπος, ánthrōpos, “homme, être humain, humanité...”, mais dans le livre de Job
- Job au singulier, il ne s'agit nullement d'un ancien catalogue de postes à pourvoir tel que pourrait vous le fournir LinkedIn -,
il apparaît bien comme traduction de βροτός, brotós, “mortel, être humain”.
'Manquerait plus qu'ça, me direz-vous. Et j'agréerai, sur le fond du moins.
Savez-vous que William Blake a gravé une remarquable série de 22 illustrations pour le livre de Job ? En ligne ? C'est ici : http://www.blakearchive.org/search/?search=job |
Notez que l'on retrouve ce մարդ, mard, partout dans les différents dialectes arméniens, avec parfois le sens restreint de “mari”.
մարդ, mard est passé tel quel de l'arménien classique à l'arménien (moderne), au sens d'“homme, personne”.
On suit toujours ?
racine proto-indo-européenne (degré plein, timbre e) *mer-, ”mort”
⇓
adjectif indo-européen (degré zéro) *mŕ-to-, “mort”
⇓
arménien classique մարդ, mard, “homme, être humain”
⇓
arménien մարդ, mard, “homme, personne...”
Et c'est sous ce sens que vous pouvez l'apprécier dans cet extrait d'un poème du XVIIème que j'ai repris en exergue, où il peut se traduire par “les hommes, les gens...”.
C'est encore l'arménien classique մարդ, mard, “homme, être humain”, qui se cache derrière le très binaire substantif arménien classique (non attesté) *ǰmar, “personne mâle” (le mec, l'être humain de sexe masculin), que l'on décompose en ayr mard, littéralement “personne homme”,
- ayrd, “homme”, au sens restrictif,
et
- mard, “personne”.
Amusant, c'est encore et toujours մարդ, mard, “homme, être humain” qui apparaît dans le substantif mard-a-gayl, qui désigne la hyène,
mais qui littéralement signifie homme-loup.
Loup-garou, quoi, gayl désignant le loup.
Amis, vacances obligent, nous en resterons là pour ce dimanche.
Mais,
surtout,
rassurez-vous, nous continuerons à piocher...
...l'arménien classique dimanche prochain...
Je vous souhaite, à toutes et tous,
un excellent dimanche, une heureuse semaine.Frédéric, en vacances
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Attention,
ne vous laissez pas abuser par son nom :
on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…)
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Et pour nous quitter,
la magnifique pianiste allemande
Alice Sara Ott
nous interprète le
Prélude No. 6 en si mineur Lento assai, opus 28,
de
Chopin...
(c'est vrai que c'est assez lent, mais bon, on pouvait s'y attendre)
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1 commentaire:
- OOh, élève Lescrat! Quelle bourrasque vous amène?
- 'Jour, M'sieur
- Que nous vaut le plaisir de revoir après une si longue absence? Un autre dérivé arménien de *mer- à proposer?
- [d͡zənɛˈmɑɾtʰ]
- Moi aussi Lescrat, j'en ai marre de ce temps pourri, de ce vent glacial dont on s'attendrait à ce qu'il transforme la pluie en neige si nous n'étions en août
- C'est bien ce que je dis : [d͡zənɛˈmɑɾtʰ] !
- Mais cessez donc de vous exprimer en wallon!
- Euh, M'sieur, ձնամարդ [d͡zənɛˈmɑɾtʰ], c'est de l'arménien oriental!!, composé de ձնե (jne), "fait de neige" et de մարդ (mard), l'homme
- ձնամարդ, bon sang, mais ouiii : le bonhomme de neige!!
Beau dimanche, Fred et bonnes vacances!
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