- du datif singulier vénète 𐌌𐌖𐌓𐌕𐌖𐌅𐌏𐌝, murtuvoi, “mort”,
- d'autres dérivés latins de morior, morī, “mourir” :
- mortuus, “mort”, “qui a cessé de vivre”, “où rien ne se passe ; qui demeure sans vie, dont la vie s'est retirée”, dont est issu notre français mort,
- mors, mortis, “(la) mort”, dont est issu, par son accusatif mortem, le substantif français (la) mort,
- mortālis, “périssable, sujet à la mort”, d'où... “humain”, et son antonyme immortālis, que nous emprunterons pour en faire nos mortel et immortel,
ou encore
- le composé moribundus, que nous emprunterons sous la forme moribond.
Heyr himna smiður, 4 juillet 2021
- le vieux norois morð, “meurtre”, d'où...
- l'islandais morð, le norvégien mord, le suédois mord, le danois mord, ou le féroïen morð.
- le vieil anglais morð, “meurtre” (ou dans un emploi poétique, “mort, crime”), d'où le moyen anglais morth, murth, d'où l'anglais... murder, “meurtre”,
- le vieux frison morth, d'où le saterlandais Morde, Moort, “meurtre” et le frison occidental moard, “meurtre”,
- le vieux saxon morth, d'où le moyen bas allemand mōrt, d'où le bas allemand mort,
- l'ancien haut allemand, mord, d'où le moyen haut allemand mort, d'où l'allemand Mord, “meurtre”,
- le francique (non attesté) *murth, *morth, qui explique le vieux néerlandais morth, et à sa suite, le moyen néerlandais mort, dont sera issu le néerlandais moord,
- le vieux norois myrða, “assassiner”, d'où l'islandais myrða, “assassiner”, le danois myrde, “assassiner”, le norvégien Bokmål myrde, “assassiner”, le féroïen myrða, “assassiner”,
- le gotique 𐌼𐌰𐌿𐍂𐌸𐍂, maurþr, “meurtre”,
- le vieil anglais morðor, “meurtre”,
- le vieux francique *murthrjan-, “assassiner”, d'où l'ancien français meurtrir, murtrir, “assassiner”, d'où nos meurtre et meurtrissure.
- le vieil irlandais marb, d'où l'irlandais marbh, le manxois marroo, le gaélique écossais marbh,
- le gallois marw,
- le moyen breton marf, maru, d'où le breton marv,
- le cornique marow,
- le moyen gallois marw, d'où le gallois marw.
- moyen irlandais marbnad, d'où l'irlandais marbnath,
- moyen gallois marwnad, d'ou le gallois marwnad,
- moyen breton marvnad, d'où le breton marvnad, toujours “élégie”,
- Vonatorix, qui désignerait un “Maître des chants”,
- Vanatactus, qui serait celui qui “mène ou dirige les chants”.
dob'i sidhe cēd-marbh Erenn diob, 18 juillet 2021
Le 25 juillet, nous avons découvert quelques dérivés grecs anciens de notre racine *mer-, “mort”, dont...
- l'adjectif मृत, mṛtá, “mort”,
- मर्त, marta, “le mortel, l'homme”,
- अमृत, amṛ́ta, “immortel” , “élixir de vie, immortalité, nourriture et nectar des dieux”Ambroise Paré s'était-il vraiment préparé à l'immortalité ?, 25 juillet 2021
- Ἀκεσίμβροτος, akesímbrotos, “celui qui soigne les mortels”, épithète d'Esculape,
- τερψῐ́μβροτος, terpsímbrotos, “qui met en joie le coeur de l'homme”, épithète d'Helios,
- Βροτολοιγός, Brotoloigos, “le fléau des mortels”, épithète d'Arès,
- Ἐχέμβροτος, Ekhémbrotos, littéralement “qui possède des mortels”,
- Θεόμβροτος, Theómbrotos, littéralement “dieu des mortels (?)”,
- Κλεόμβροτος, Kleómbrotos, “glorieux mortel”,
- Στησῐ́μβροτος, Stēsímbrotos, “l'homme qui se tient debout” ou “l'homme établi” (?)
Je jure par Apollon, médecin, par Asclépios, par Hygie et Panacée, par tous les dieux et toutes les déesses, 1er août 2021
Le 8 août, nous avons abordé les dérivés arméniens de notre racine, avec...
- l'arménien classique մարդ, mard, au sens d'“homme, être humain”, que l'on retrouve dans...
- le substantif arménien classique (non attesté) *ǰmar, “personne mâle”, que l'on décompose en ayr mard, littéralement “personne homme”, ou dans
- le substantif mard-a-gayl, qui désigne la hyène, (“homme-loup”)
Le 15 août, nous avons découvert d'autres beaux dérivés arméniens de *mer-, “mort” :
- l'arménien classique մեռանիմ, meṙanim, “mourir”, d'où l'arménien moderne մեռնել, meṙnel, de même sens,
- son dérivé an-meṙ, “immortel”,
- l'arménien classique... մահ, mah, “(la) mort” (emprunt à l'iranien), avec sa forme ancienne մարհ, marh, “(la) mort”, et un de des dérivés, mah-oy, “mortel”
deƚel zna mahuan deƚōk 'n, 15 août 2021
Le 22 août, nous avons abordé les dérivés balto-slaves de notre racine, parmi lesquels :
- le vieux slavon d'église мрѣти, mrěti, “mourir”,
- le serbo-croate mrijȇti, “mourir”,
- le biélorusse ме́рці, mjérci, “mourir”,
- le russe мере́ть, miriétʹ, “mourir, périr en grand nombre”,
- l'ukrainien ме́рти, mérty, “mourir”,
- le tchèque mřít, “mourir, se faner”,
- le polonais mrzeć, “mourir”,
- le lituanien mir̃ti, “mourir”,
- le letton mìrt, “mourir”
*mer- et *mir- sont en bateau., 22 août 2021
Le 29 août, nous avons traité d'une nouvelle série de dérivés balto-slaves...
- le féminin lituanien mirtìs, au sens de “(la) mort”,
- le vieux slavon d'église съмрьть, sŭmrĭtĭ, “(la) mort”,
- le bulgare смърт, smǎrt, “(la) mort ; la Mort (la grande faucheuse)”, et par extension “le dégoût, la répugnance”,
- le macédonien смрт, smrt - à vos souhaits -, “(la) mort”,
- le serbo-croate smȑt, “(la) mort”,
- le biélorusse смерць, smjercʹ,“(la) mort”,
- le russe смерть, smiertʹ, “(la) mort”, employé aussi dans le sens de se damner pour : eму́ сме́рть как хо́чется кури́ть : il se damnerait pour une cigarette,
- l'ukrainien смерть, smertʹ, “(la) mort”,
- le tchèque smrt, “(la) mort”,
- le polonais śmierć, “(la) mort”,
- le haut sorabe smjerć, “(la) mort”,
- le bas sorabe smjerś, “(la) mort”
🜛
Le 5 septembre, nous poursuivions notre chapitre balto-slave, avec...Partir, c'est mourir un peu, 29 août 2021
- le lituanien māras, “peste, mort...”,
- le vieux slavon d'église моръ - ⰿⱁⱃⱏ, morŭ, “peste, pestilence...”,
- le bulgare мор, mor, “cause de fatigue, perte de vitalité...”, en langue poétique, “maladie mortelle, peste, pestilence...”,
- le serbo-croate mȏr, “mort, peste...”,
- le russe мор, mor (terminologie médicale), pouvant désigner “peste, maladie infectieuse (frappant l'homme, mais aussi le bétail...)...”,
- le tchèque mor, “peste ; maladie hautement contagieuse”,
- le polonais (désuet) mór, “peste, maladie endémique...”
"Mais quelle morŭ ! C'est vraiment une peste", éructait le vieux Slave, 5 septembre 2021🜛
Le 12 septembre, nous terminions notre périple balto-slave, avec notamment...
- le vieux slavon d'église мрьтвъ, ⰿⱃⱐⱅⰲⱏ, mrĭtvŭ, “mort”,
- le bulgare мъ́ртъв, mǎ́rtǎv, “mort, sans vie, inanimé”,
- le russe мёртвый, miortvouii, “mort, sans vie”,,
- le tchèque mrtvý, “mort”,
et enfin
- le polonais martwy, “mort, inanimé”,
🜛🜛🜛
(et non aux Hittiques, comme le mentionnait ce brave scribe Ânkhkaenrê ; d'ailleurs, il s'agissait de la bataille de Tadesh - oui, il lui arrivait parfois de confondre le hiéroglyphe pour /T/ :
la Porte des Lions, à Hattuşa, ancienne capitale de l'empire hittite (source) |
Alwin Kloekhorst
Alwin Kloekhorst |
Etymological Dictionary of the Hittite Inherited Lexicon,
Euh, je le précise pour ceux qui n'en ont pas l'habitude, notre ami Alwin est néerlandais, et NON, il n'est pas en train de suffoquer ni de cracher ses poumons. Non, il parle simplement - et magnifiquement - sa langue, avec l'accent qu'il se doit...
"pour la dernière fois ! Je ne suis pas possédée, je parlais simplement néerlandais" |
(oui, je sais, c'est pas toc, c'est épique, merci. Au moins, vous suivez)
(entre nous, ses locuteurs ne l'appelaient pas du tout hittite, mais bien nésite, 𒉈𒅆𒇷, nešili / "la langue de Neša", ou encore nešumnili / "la langue du peuple de Neša"), de Neša, cette ville que vous connaissez à présent sous le nom de... Kültepe, grandiose site archéologique),
Kültepe |
mais reprenons :
c'est par des traces écrites que nous connaissons cette langue, qui se parlait
- à la grosse louche-
(je vous le donne conjugué à la 3ème personne du présent actif)
me-er-zi / mi-ir-zi,
au sens de “disparaître, se dissiper...”.
"Et si elle (*mer-) ne se rencontre pas dans toutes les langues indo-européennes, sachez que c'est essentiellement parce qu'elle fut remplacée, à un moment ou un autre, par des euphémismes.Mais oui, OH ! Nous avons déjà parlé de ce phénomène, par lequel des locutions, des périphrases, s'emploient en lieu et place du mot original, par tabou, par peur...
Je vous suggère vraiment de lire ou relire Björn et Ursula, même combat, article daté du 29 juillet 2012, où nous parlions de l'ours... Si les choses ne sont pas encore claires, je vous garantis qu'elles le seront à la lecture dudit article."
Eh bien,
ô ironie,
il se pourrait que le sens original de notre racine *mer- ne soit pas “mourir”, mais bien “disparaître, se dissiper...”.
Ma vie entière ne fut qu'un long mensonge. |
Pour Alwin Kloekhorst, il est probable que l'indo-européenne *mer-, “disparaître, se dissiper...” ne fut d'abord qu'un euphémisme pour “mourir”, et qu'en dehors du hittite, par un développement ultérieur
- après que la branche anatolienne se fut séparée du tronc commun indo-européen -,
l'euphémistique *mer- a fini, ironiquement, par se voir attribuer le sens du mot qu'elle avait remplacé !
mais c'est énooooorme ! |
Nous continuons bien, nous, hommes occidentaux modernes qui nous gaussons des mythes et des superstitions, de mentionner nos chers disparus, un décès, ceux qui sont partis, qui nous ont quittés... alors qu'il nous suffirait de parler de mort, de morts.
Oui, nous avons toujours peur de la Grande Faucheuse. Et c'est humain.
Visiblement, nous ne nous sommes toujours pas faits à l'idée, pourtant antique, déjà présente en proto-indo-européen, que si nous sommes des hommes, c'est parce que nous sommes... mortels...
(Relisez donc Terre des hommes ? Pléonasme !, je dis ça, je dis rien...)
Mais alors, puisque t'es si malin, me direz-vous, quel est ce fameux mot indo-européen original, qui désignait la mort si expressément, et que l'on aurait si tôt remplacé par l'euphémistique mer-, “disparaître” ?
Mystère.
Hélas, aucun (aucun) cognat de ce hittite āk- / akk- n'est attesté dans aucune autre langue indo-européenne.
Alors, allez savoir...
Ô nuit désastreuse ! ô nuit effroyable, où retentit tout à coup, comme un éclat de tonnerre, cette étonnante nouvelle : le sens de la racine indo-européenne *mer- se meurt, le sens de la racine indo-européenne *mer- est mort.
Ah ça, on pouvait s'y attendre, notre Jacques-Bénigne, Aigle de Meaux à ses heures, ne pouvait pas rater l'occasion... |
Mais revenons à nos moutons.
Or donc, comme dérivés hittites de notre couple me-er-zi / mi-ir-zi, “disparaître, se dissiper...”, épinglons...
- l'adjectif manuṷala-, (peut-être, on suppose) “invisible”,
- le verbe marnu-zi, mernu-zi, “faire disparaître, dissoudre”.
Et puis,
oui : cerise sur le gâteau, |
je pourrais vous proposer enfin
- et, psss, entre nous, je vais le faire -
un dérivé anatolien, mais non plus proprement hittite, le verbe louvite...
(le louvite est une langue apparentée au hittite, qui se parlait dans le sud de l'Anatolie au IIème millénaire av. J.-C., et qui continue à se parler dans certains quartiers de La Louvière)
Luwian = louvite |
La Louvière, coquette petite bourgade entre Charleroi et Mons, Belgique. J'en conviens, ce n'est pas Charleroi, mais comment résister ? |
le louvite, disais-je, marnuwa-, mot dont on n'a retrouvé qu'un bout
- le reste avait... disparu -,
et qui pourrait signifier “faire disparaître” .
Notons enfin que le Proto-Indo-European Lexicon de l'université d'Helsinki le reconstruit sous la forme marnṷa-, en lui attribuant le même sens.
Je vous souhaite, à toutes et tous,
- vous abonner par mail, en cliquant ici, en tapant votre adresse email et en cliquant sur “souscrire”. ET EN CONFIRMANT le lien qui vous arrivera par email dans les 5 secs, et vraisemblablement parmi vos SPAMS (“indésirables”), ou
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