- Paraît chaque dimanche à 8 heures tapantes, méridien de Paris -

dimanche 12 septembre 2021

"le colonel Moutarde, dans la bibliothèque, avec un couteau, pendant l'heure morte" - Cluedo russe






L'heure morte, en russe, мёртвый час, désigne curieusement l'heure de la sieste, le temps de repos qui suit le dîner

 - repas qui correspond, pour nos amis Français qui,
il faut le supposer, 
jeûnent toute la matinée,
à leur déjeuner -,

dans les hôpitaux, les maisons de repos, les jardins d'enfants, les camps de vacances...

un camp de Pionniers
(traduction littérale du russe Пионерский лагерь)
de la grande époque...


   

Bonjour à tous !


Chers lecteurs, 


Nous poursuivons, en ce dimanche de septembre, l'étude des dérivés de la racine indo-européenne... 

*mer-mort”.


Azraël,
l'ange de la mort dans plusieurs traditions



Un petit point, pour commencer, mmmh ?

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C'est le 4 juillet 2021 que nous avons débuté cette étude de la racine proto-indo-européenne *mer-mort”, avec quelques dérivés italiques et particulièrement latins, notamment morior, morīmourir” dont est issu notre français mourir.

Ce jour-là, nous avons également parlé...
  • du datif singulier vénète 𐌌𐌖𐌓𐌕𐌖𐌅𐌏𐌝, murtuvoi, mort”,
et
  • d'autres dérivés latins de morior, morīmourir” :
  • mortuusmort”, qui a cessé de vivre”, “où rien ne se passe ; qui demeure sans vie, dont la vie s'est retirée”, dont est issu notre français mort,
  • mors, mortis, “(la) mort”, dont est issu, par son accusatif mortemle substantif français (la) mort
  • mortālispérissable, sujet à la mortd'où... humain”, et son antonyme immortālis, que nous emprunterons pour en faire nos mortel et immortel,
ou encore
  • le composé moribundus, que nous emprunterons sous la forme moribond.
Heyr himna smiður, 4 juillet 2021

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Le 11 juillet 2021, nous nous sommes penchés sur ses dérivés germaniques, au nombre desquels nous citerons...
  • le vieux norois morðmeurtre”, d'où...
    • l'islandais morðle norvégien mordle suédois mordle danois mordou le féroïen morð.
  • le vieil anglais morðmeurtre” (ou dans un emploi poétique, mort, crime”), d'où le moyen anglais morth, murth, d'où l'anglais... murder, meurtre”,
  • le vieux frison morthd'où le saterlandais Morde, Moort, meurtre” et le frison occidental moard, meurtre”,
  • le vieux saxon morth, d'où le moyen bas allemand mōrt, d'où le bas allemand mort,
  • l'ancien haut allemand, mordd'où le moyen haut allemand mort, d'où l'allemand Mord, meurtre”,
  • le francique (non attesté) *murth, *morth, qui explique le vieux néerlandais morth, et à sa suite, le moyen néerlandais mort, dont sera issu le néerlandais moord,
  • le vieux norois myrðaassassiner”, d'où l'islandais myrðaassassiner”, le danois myrdeassassiner”, le norvégien Bokmål myrdeassassiner”, le féroïen myrðaassassiner”,
  • le gotique 𐌼𐌰𐌿𐍂𐌸𐍂, maurþrmeurtre”,
  • le vieil anglais morðor, meurtre”,
  • le vieux francique *murthrjan-, assassiner”, d'où l'ancien français meurtrir, murtrir, assassiner”, d'où nos meurtre et meurtrissure.

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Le 18 juillet, nous nous baladions parmi les dérivés celtiques de notre racine *mer-mort”, dont notamment...
  • le vieil irlandais marbd'où l'irlandais marbhle manxois marroole gaélique écossais marbh,
  • le gallois marw,
  • le moyen breton marf, maru, d'où le breton marv,
  • le cornique marow,
  • le moyen gallois marwd'où le gallois marw.

Nous avions également traité des composés...
  • moyen irlandais marbnad, d'où l'irlandais marbnath,
  • moyen gallois marwnad, d'ou le gallois marwnad,
  • moyen breton marvnad, d'où le breton marvnad, toujours élégie”,
dont on pourrait retrouver la trace dans certains noms gaulois, avec...
  • Vonatorix, qui désignerait un Maître des chants”, 
ou
  • Vanatactus, qui serait celui qui mène ou dirige les chants”.
Enfin, nous avions parlé de deux noms gaulois non plus apparentés à *mer-mort”, mais vraisemblablement construits sur le terme celtique *-natu : Vanatus et Vanata, peut-être  antonomases de la fonction de pleureur lors de funérailles.


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Le 25 juillet, nous avons découvert quelques dérivés grecs 
anciens de notre racine *mer-mort”, dont...

  • βροτός, brotósmortel”,

  • ἄμβροτος, ámbrotos, immortel”, d'où ἀμβρόσῐος, ambrósios, “immortel, divin”d'où ἀμβροσία, ambrosía, “nourriture des dieux, ambroisie”,

  • μορτός, mortós, mortel”.

  • Nous en avons profité pour comparer ces dérivés avec leurs cognats sanskrits :
     
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    Le 1er août, nous passions en revue quelques théonymes et anthroponymes grecs anciens créés sur βροτός, brotósmortel” :
    • Ἀκεσίμβροτος, akesímbrotos,  celui qui soigne les mortels”, épithète d'Esculape,
    • τερψῐ́μβροτος, terpsímbrotos“qui met en joie le coeur de l'homme”, épithète d'Helios, 
    • Βροτολοιγός, Brotoloigos, “le fléau des mortels”, épithète d'Arès,
    • Ἐχέμβροτος, Ekhémbrotos, littéralement “qui possède des mortels”,
    • Θεόμβροτος, Theómbrotos, littéralement “dieu des mortels (?)
    • Κλεόμβροτος, Kleómbrotos, “glorieux mortel”,
    • Στησῐ́μβροτος, Stēsímbrotosl'homme qui se tient debout ou l'homme établi” (?) 
    Je jure par Apollon, médecin, par Asclépios, par Hygie et Panacée, par tous les dieux et toutes les déesses, 1er août 2021 

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    Le 8 août, nous avons abordé les dérivés arméniens de notre racine, avec...

    • l'arménien classique մարդ, mard, au sens d'homme, être humain”, que l'on retrouve dans...
    • le substantif arménien classique (non attesté) *ǰmarpersonne mâleque l'on décompose en ayr mard, littéralement personne homme”, ou dans

      • le substantif mard-a-gayl, qui désigne la hyène, (homme-loup”)
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    Le 15 août, nous avons découvert d'autres beaux dérivés arméniens de *mer-mort” :

    • l'arménien classique մեռանիմ, meṙanim“mourir”, d'où l'arménien moderne մեռնել, meṙnel, de même sens,
    • son dérivé an-meṙ, “immortel”,
    • l'arménien classique... մահ, mah, (la) mort” (emprunt à l'iranien), avec sa forme ancienne մարհ, marh(la) mort”, et un de des dérivés, mah-oy, mortel”
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    Le 22 août, nous avons abordé les dérivés balto-slaves de notre racine, parmi lesquels :

    • le vieux slavon d'église мрѣти, mrěti“mourir”,
    • le serbo-croate mrijȇti, “mourir”,
    • le biélorusse ме́рці, mjérci“mourir”,
    • le russe мере́ть, miriétʹ, “mourir, périr en grand nombre”,
    • l'ukrainien ме́рти, mérty, “mourir”,
    • le tchèque mřít“mourir, se faner”,
    • le polonais mrzeć, “mourir”,
    • le lituanien mir̃ti“mourir”,
    • le letton mìrt, “mourir”

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    Le 29 août, nous avons traité d'une nouvelle série de dérivés balto-slaves...

    • le féminin lituanien mirtìs, au sens de “(la) mort”,
    • le vieux slavon d'église съмрьть, sŭmrĭtĭ“(la) mort”,
    • le bulgare смърт, smǎrt“(la) mort ; la Mort (la grande faucheuse)et par extension “le dégoût, la répugnance”,
    • le macédonien смрт, smrt - à vos souhaits -, “(la) mort”,
    • le serbo-croate smȑt“(la) mort”,
    • le biélorusse смерць, smjercʹ,“(la) mort”,
    • le russe смерть, smiertʹ“(la) mort”, employé aussi dans le sens de se damner pour : eму́ сме́рть как хо́чется кури́ть : il se damnerait pour une cigarette,
    • l'ukrainien смерть, smertʹ“(la) mort”,
    • le tchèque smrt“(la) mort”,
    • le polonais śmierć“(la) mort”,
    • le haut sorabe smjerć“(la) mort”,
    • le bas sorabe smjerś“(la) mort”

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    Le 5 septembre, nous poursuivions notre chapitre balto-slave, avec...
    • le lituanien māras“peste, mort...”,
    • le vieux slavon d'église моръ - ⰿⱁⱃⱏ, morŭ, “peste, pestilence...”,
    • le bulgare мор, mor, “cause de fatigue, perte de vitalité...”, en langue poétiquemaladie mortellepestepestilence...”,
    • le serbo-croate mȏr“mort, peste...”,
    • le russe мор, mor (terminologie médicale), pouvant désigner peste, maladie infectieuse (frappant l'homme, mais aussi le bétail...)...,
    • le tchèque mor, “peste ; maladie hautement contagieuse”,
    • le polonais (désuet) mór“peste, maladie endémique...”

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    Amis lecteurs,

    en ce dimanche, nous terminerons
    - qui a dit enfin ??? -

    ça, c'est petit

    notre parcours balto-slave.


    Mais aujourd'hui, nous ne parlerons que de dérivés slaves. 

    Ou si vous préférez,
    pour que vous ne soyez pas trop perdus devant cette originalité,
    de dérivés slavo-slaves.

    un bel exemple de Slave


    En effet, dans cette grande famille des langues balto-slaves, ce n'est que parmi celles de la branche slave que l'on rencontrera les mots qui nous intéressent en ce jour, des adjectifs qui ont tous, fondamentalement, le même sens : mort.




    Alors, à l'attention des petits comiques, disons-le tout de suite, non, ça ne veut pas dire qu'il n'y pas de mots équivalents à notre adjectif français mort dans les langues baltes.

    Non, les Baltes n'ont pas - hélas - trouvé le secret de fabrication de l'ambroisie...

    Évidemment.

    Hébé, qui offrait l'ambroisie aux Dieux pour qu'ils restent éternellement jeunes.
    Elle doit son nom à l'effet de surprise qu'elle provoquait chez les Dieux,
    soudainement rajeunis et plus gaillards.
    Elle eût pu d'ailleurs s'appeler Wouah.



    En revanche, pour ce qui est de l'ambroisie, c'est ici que vous pouvez en trouver l'étymologieAmbroise Paré s'était-il vraiment préparé à l'immortalité ?

    (même si l'on peut vivre vieux, dans les pays baltes,
    là n'est pas la question)


    Mais les Baltes ont tout simplement, à l'instar du latin - et de bien d'autres -, construit leur adjectif mort sur le participe passé de leur verbe mourir.

    Ainsi, en lituanien, l'adjectif qui correspond à notre français mort est miręs, participe passé de, de...
    - on va voir ceux qui suivent, tiens -
    de...
    allez, je vous donne un indice visuel :

    ces fruits, ce sont des ?

    de..., de... ooooui !! mir̃ti, “mourir”. 
    Pour les autres, ceux qui n'ont pas trouvé, allez, on relit *mer- et *mir- sont en bateau., du 22 août dernier, et fissa.


    Or donc, 

    dans les langues slaves, nous trouvons, une série d'adjectifs que l'on fait remonter à un étymon (reconstruit) proto-slave, l'adjectif...

    *mь̃rtvъ“mort”.


    Rick Derksen le fait dériver d'une forme de degré zéro de notre racine racine *mer-mort” :

    *mr-tu-o-


    Schématisons
    ?

    racine proto-indo-européenne (degré plein, timbre e) *mer-mort”
    forme de degré zéro *mr-tu-o-
    proto-slave *mь̃rtvъ“mort”


    Tout le monde suit ?



    Alors, en route.

    (images tirées du film Les randonneurs, de Philippe Harel, 1997)



    L'étymon slave 
    *mь̃rtvъ“mort”, se retrouve (notamment) dans...



    langues slaves méridionales

    • le...
      une petite mort

      vieux slavon d'église мрьтвъ, ⰿⱃⱐⱅⰲⱏ, mrĭtvŭ, “mort,
    • le bulgare мъ́ртъв, mǎ́rtǎv, “mort, sans vie, inanimé”,
    • le macédonien мртов, mrtov“mort, 
    • le serbo-croate mr̀tav“mort, décédé”, et au sens figuré, “sans vie, en léthargie
    • le slovène mŕtəv“mort, 


    langues slaves orientales

    • le russe мёртвый, miortvouii, “mort, sans vie”,
    • Le biélorusse мёртвы, “mort”,
    • l'ukrainien ме́ртви́й, “mort” (également au sens figuré),


    langues slaves occidentales

    • le tchèque мёртвый, “mort”,
    • le slovaque mŕtvy“mort”,
    • le polonais martwy“mort, inanimé”,
    • le bas-sorabe martwy“mort, inanimé”.


    Et donc, j'écrirais, en guise de résumé et de conclusion : 


    racine proto-indo-européenne (degré plein, timbre e) *mer-mort”
    forme de degré zéro *mr-tu-o-
    proto-slave *mь̃rtvъ“mort”
    vieux slavon d'église мрьтвъ, ⰿⱃⱐⱅⰲⱏmrĭtvŭ“mort,
    bulgare мъ́ртъв, mǎ́rtǎv“mort, sans vie, inanimé”,
    russe мёртвый, miortvouii“mort, sans vie”,
     tchèque mrtvý“mort”,
    polonais martwy“mort, inanimé”,
    ...



    Non mais...
    Aviez-vous fait le lien ?
    Saviez-vous que notre français mort, de par son ascendance indo-européenne, avait des cousins
    - des cognats -
    dans le saterlandais Morde, Moort, meurtre”, ou le vieil irlandais marb, ou alors le grec ancien βροτός, brotósmortel”, ou encore l'arménien classique մարդ, mard, homme, être humain”, ou même dans le russe мере́ть, miriétʹ, “mourir, périr en grand nombre”, ou le letton mìrt, “mourir”, ou carrément le macédonien смрт, smrt“(la) mort”, le lituanien māras“peste, mort...”, ou - soyons fous - le polonais martwy“mort, inanimé” ??

    Eh.




    Je sais.
    On a beau s'y attendre, 
    on ne s'y fait vraiment jamais.


    Merci qui ?

    Mais, l'indo-européen, pardi !



    В ворота гостиницы губернского города NN въехала довольно красивая рессорная небольшая бричка, в какой ездят холостяки: отставные подполковники, штабс-капитаны, помещики, имеющие около сотни душ крестьян, — словом, все те, которых называют господами средней руки.


    (Une assez jolie petite britchka à ressorts entra dans la porte cochère d’une hôtellerie du chef-lieu du gouvernement de N… C’était un de ces légers équipages de coupe nationale, à l’usage des hommes qui font profession de rester longtemps célibataires, tels que adjudants-colonels en retraite, capitaines en second, propriétaires possédant un patrimoine d’une pauvre centaine d’âmes, en un mot, tous les menus gentillâtres et hobereaux, qu’en Russie on nomme nobles de troisième main.)

    une assez jolie petite britchka...



    Vous aurez peut-être reconnu le tout début de 
    Мёртвые ду́ши, Les Âmes mortes,
    de Никола́й Васи́льевич Го́голь, 
    Nicolas Vassiliévitch Gogol,
    joliment traduit ici par Ernest Charrière.



    Un tout petit mot sur ces Мёртвые ду́ши, les Âmes mortes ?

    Dans la Russie impériale, foncièrement féodale, le mot ду́ши, littéralement âmes, désignait les serfs (de sexe masculin ; l'inclusivité, c'était pas trop leur truc).
    C'était par le nombre d'âmes qui y travaillaient que l'on déterminait la valeur d'une propriété, et par voie de conséquence, l'impôt foncier dont le propriétaire était redevable.

    Tchitchikov, le héros de cette farce satirique, n'est qu'un minable petit escroc, qui compte bien profiter de cette méthode de calcul pour se faire de l'argent.
    Nous parlerions aujourd'hui, pour dépeindre ses agissements, d'une médiocre arnaque foncière.


    Nicolas Vassiliévitch Gogol,
    20 mars 1809 (calendrier grégorien : 1er avril 1809) - 21 février 1852 (4 mars 1852) 



    Je vous souhaite, à toutes et tous,
    un excellent dimanche, une heureuse semaine.




    Frédéric

    ******************************************
    Attention,
    ne vous laissez pas abuser par son nom :
    on peut lire le dimanche indo-européen
    CHAQUE JOUR de la semaine.
    (Mais de toute façon,
    avec le dimanche indo-européen,
    c’est TOUS LES JOURS dimanche…)

    ******************************************

    Et pour nous quitter,

    Du Bach.


    Oui, mais...

    il s'agit de la célèbre Bourrée (de la Suite anglaise n° 2 en la mineur, BWV 807),

    revue par ce merveilleux vocaliste de jazz qu'était Ward Swingle, à l'origine des Swingle Singers,

    et interprétée ici par...

    VOCES8.


    L'esprit de Johann Sebastian, l'âme des Swingles, et les sublimes voix des VOCES8,
    tous réunis en une prestation gaie, pétillante comme une coupe de champagne,
    pleine de... vie (pour changer des articles du moment).

    Que demander de plus ?

    https://youtu.be/zcE_Z27Vf3I

    ******************************************

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    5 commentaires:

    FLUPKELEBEL a dit…

    Il est de coutume, sur ce site, de se pencher sur le sort du Royaume-Uni post-Brexit.
    Il me semble donc indiqué de mentionner que, dans la foulée du Brexit, le Royaume-Uni va bénéficier d’une partie du « contrat du siècle » (55 milliards) qui était gérée par la France. Il s’agit bien sûr des sous-marins australiens.
    Le Royaume-Uni est reconnu comme puissance géopolitique dans le Pacifique. Pas la France ni même l’Europe qui a pourtant cinq fois plus d’habitants.
    Curieux, non ?

    PHILIPPE LHOAS
    AV. DES ANCIENS COMBATTANTS 109/B5
    B1140 EVERE - BRUXELLES

    Frédéric Blondieau a dit…

    Vous avez parfaitement raison : c'est la preuve absolue que le Brexit est une réussite.

    LeScrat a dit…

    мертвый час …Rhhhaaaa…la douce heure, où le temps suspend son vol. Cette heure morte comme disent les Russes, Platon, par la voix de Phèdre, la qualifiait d’immobile. "μήπω γε, ὦ Σώκρατες, πρὶν ἂν τὸ καῦμα παρέλθῃ. ἢ οὐχ ὁρᾷς ὡς σχεδὸν ἤδη μεσημβρία * ἵσταται ἡ δὴ καλουμένη σταθερά; ἀλλὰ περιμείναντες καὶ ἅμα περὶ τῶν εἰρημένων διαλεχθέντες, τάχα ἐπειδὰν ἀποψυχῇ ἴμεν".(Phèdre- 242a)

    "Pas encore, Socrate, pas avant que la chaleur ardente soit passée. Ne vois-tu pas qu’il est presque midi* ; c’est l’heure qu’on appelle immobile. Restons plutôt à discuter ensemble sur ce que nous venons de dire. Dès qu’il fera plus frais, nous partirons" (1)

    En Italie du Sud - le Mezzogiorno* ... - ce "temps mort” porte le nom, envoûtant je trouve, de « controra ». Méridionalisme* récent (fin du XIXème), le terme gagne peu à peu du terrain dans la Péninsule.

    Cousine de la siesta espagnole, la sixième (2) heure, la controra s’écoule lentement quand la chaleur estivale est la plus accablante, la lumière la plus vive, soit du zénit à quinze heures, et donc de 13 à 16h heure d’été, “ora legale” comme la désignent les Italiens.

    En romanesco (dialecte de Rome), “controra” a acquis le sens d'heure à laquelle ceux faisant l’objet de surveillance policière doivent avoir regagné leur domicile.
    Mais pourquoi diable ce nom de "contre- heure”, voire d’heure contraire? Sans doute parce que s'il est prudent, le mortel doit vivre ce moment de la pleine journée comme s’il s’agissait du coeur de la nuit, à l’abri, au frais, dans l’obscurité. Et au repos.

    À en croire les Anciens, c’est à ce moment que la frontière entre le monde et le divin se fait si ténue qu’elle se laisse traverser par tout un cortège de démons de midi - au sens de δαίμων / daímôn, “puissance divine” (3) que la tradition judéo-chrétienne s’est empressée de ...diaboliser. Pan (d.l.g), Nymphes, Sirènes, Néréides et autres incubes ou succubes entrent alors en scène pour jouer des tours plus ou moins vilains aux simples mortels.

    Quant à la mythologie slave, elle aussi regorge de spectres malfaisants, d’entités surnaturelles tour à tour bienveillantes ou féroces dont les Rusalki (4). À l’instar de la Sirène, la Rusalka ensorcelle les hommes de sa voix suave, à ce détail près qu’elle peut, en plus, les chatouiller jusqu'à ce qu’ils ...MDR, littéralement.

    Toutes ces créatures mythiques ont en commun, outre d’être des divinités agraires et/ou aquatiques, de présenter un “caractère sexuel” évident (dès l’Antiquité, midi n’était-il pas l’heure sexuelle par excellence? (4)) et d’être intimement liées à la mort. Elles l’annoncent, la causent ou la pleurent, comme le font les Banshees celtiques, qui, elles, sont nocturnes.

    Une fois encore, tout est inextricablement lié : la fertilité, la petite mort et le trépas. La vie et la mort.

    Bien! L’heure morte ayant sonné, je clos ici ce commentaire et file sur ma méridienne* ;-)

    Merci Frédéric, d’avoir suscité, une fois encore, ces “compléments de voyage”.

    * midi, évidemment!
    (1) https://fr.wikisource.org/wiki/Ph%C3%A8dre_(Platon,_trad._Meunier)
    (2) (https://indoeuropeen.blogspot.com/search/label/sieste)
    (3) https://indoeuropeen.blogspot.com/search/label/demon
    (4) https://www.persee.fr/doc/slave_0080-2557_1937_num_17_1_7641

    Frédéric Blondieau a dit…

    @LeScrat

    GRAND merci pour tous ces développements, toutes ces précisions...
    Ah ça, la sieste est un sujet bien trop sérieux pour ne pas le traiter en profondeur ! :-)

    Oui, la contre-heure, le midi où se rencontrent les forces positives et négatives... A l'échelle d'une journée, on pourrait le comparer, sur l'année, aux jours de Samhain dans la tradition celtique, ces jours où les deux mondes sont particulièrement proches...

    Encore merci, et bonne semaine !
    Frédéric

    LeScrat a dit…

    @Frédéric

    Ah .../sˠaunʲ/ !! Tu as tout à fait raison! Comme la controra, cette nuit si particulière est une parenthèse temporelle, qui n'appartient ni à la saison claire qui s'achève ni à la sombre qui commence, effectivement.

    C'est aussi une façon d'exprimer que rien n'est complètement bon, ni totalement mauvais. Que la clarté, la chaleur excessives peuvent être nocives, le noir et le frais propices.

    Une vision du monde aux antipodes de celle du Perse Mani (dont les prénoms étaient Gédéon, Theus).

    Et la sieste, ô la sieste! Là aussi tu as raison, un sujet bien trop sérieux pour ne pas s'y étendre.

    Merci pour ton appréciation et belle fin de semaine!