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dimanche 16 octobre 2022

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Chers lecteurs, bonjour.


Oui oui, nous en sommes toujours aux dérivés de notre racine indo-européenne...

Thèbes
(Θῆϐαι, Thễbai, celle de Béotie, pas d'Égypte),
telle qu'elle a pu exister


... *ueiḱ-« l'endroit où l'on s'installe… ».




Nous avons découvert cette racine le 24 juillet, avec
  • le tokharien B īke, pour « lieu, endroit ; position ». 

Nous en avions même repris quelques attestations, comme :
  • snaice tallānt ikemem, « depuis un lieu pauvre, misérable »,
  • sañ mäskelye yakene, « à l'endroit qui lui était assigné »,
  • sle-tassäntse ikene« en lieu et place du commandant de la montagne », 
ou encore
  • tumem c[ai] brāhmani tot ike-postäm̥ ynemane Aran̥emiñ lānte yapoyne kamem̥, « alors, ces brahmanes, se déplaçant de lieu en lieu (ike-postäm̥), arrivèrent au royaume du Roi Aranemin ».


Le 31 juillet, nous avons débusqué,

dans les langues germaniques, cette fois,

le gotique 𐍅𐌴𐌹𐌷𐍃, weihs, « village ».


le 7 août, nous abordions les dérivés de *ueiḱ- dans les langues… italiques :
  • l'ombrien, vocu-cum« maison»,
  • le latin vīcus« rue ; quartier, voisinage ; bloc de maisons ; village, hameau » voire « bien, domaine, propriété foncière… »,
d'où
  • vīcātim« de rue en rue, de quartier en quartier »,
  • vīcīnus« voisin, voisinage »,
  • vīcīnitās« proximité, voisinage »,
  • vīlla, « maison de campagne, exploitation agricole, ferme… »,
  • vīlicus, « fermier, gestionnaire de la ferme »,
  • vīlica, « femme du fermier ».


Le 14 août, nous sommes partis du latin vīcus pour en examiner la descendance :
  • le français vicinal,
  • le français voisin,
  • les toponymes français vic, vicqvicquesvix,
  • l'espagnol Vigo,
  • le catalan Vic,
  • peut-être le -vic de Volvic,
  • l'italien vico« village, hameau ; district ; allée, chemin, ruelle… »,
en y mentionnant également quelques emprunts en germanique :
  • l'anglais dialectal du sud est (East Anglia et Essexwick« ferme », spécialement « ferme dédiée à l'élevage laitier »,
  • les suffixes toponymiques anglais -wick et -wich,
  • l'anglais désuet ou dialectal wike, « maison, logis »,le vieux frison wik, « village... »,
  • le vieux saxon wīk, « village, habitation... », d'où Brunswick,
  • le néerlandais wijk, « voisinage, district », utilisé notamment comme suffixe dans Graswijk ou Noordwijk...,
  • le vieux haut allemand wīh, « village », d'où le moyen haut allemand wīch, qui, repris du moyen bas allemand wîkbelde, donnera wīchbilde, d'où l'allemand Weichbild d'emploi littéraire ou daté, « zone urbaine », auquel on préfère maintenant le très germanique Stadtgebiet,
  • le vieux norois vík, dont le sens est passé de « village » à « bras de rivière, crique, fjord ».


Le 21 août, nous nous sommes arrêtés sur l'étymologie de
  • l'anglais York, dérivé de l'anglo-saxon Eofer-wīċ.


Le 28 août, il fut question de l'étymologie de nos français
  • ville
et
  • village.


Le 4 septembre, nous avons encore épinglé quelques beaux mots français à notre liste de dérivés :
  • villette,
  • villégiature, emprunt à l'italien villeggiatura, « séjour à la campagne »,
  • villa, emprunt (calque) de l'italien villa,
  • villanelle, emprunt à l'italien villanella
  • vilain, issu du bas latin villanus, « habitant de la campagne ».


Le 11 septembre, nous nous sommes arrêtés sur...
  • le nom propre français Villers, emprunt au latin vīlla, « ferme… », via l'adjectif latin villāris, « de ferme ; relatif à la ferme, à la maison de campagne »,
ainsi que sur...
  • son équivalent germanique, l'allemand Weiler« hameau », que l'on retrouve également en suffixe, sous les formes  -weiler et -wil.

Le 18 septembre, nous avons parcouru une série de mots des langues celtiques insulaires empruntés au latin vīcus :

dans les langues gaéliques
  • le vieil irlandais fich, « village (de campagne) ; ferme district rural ; étendue de terre », 
dans les langues brittoniques,
  • le breton gwig, « village (de campagne) » (parfois retranscrit Gwik ou Gui),
  • le gallois gwig, « village (de campagne) ; rue, bois »,
  • le cornique gwig « village ; village de la forêt », devenu également nom propre (Gwig, anglicisé en Gweek).


Le 25 septembre, nous nous penchions sur la descendance slave de notre racine, avec (notamment)…
  • le vieux slavon d'église вьсь, vĭsĭ, « village »,
  • le russe весь, viesʹ, rare et daté, remplacé aujourd'hui par дере́вня, diriévnja« petit village, hameau », ou alors село́, siló, toujours « village », mais quand il s'agit d'un village de plus grande importance (весь, viesʹ, apparaît encore dans des expressions figéescomme города́ и ве́си, garadá i viési, pour « villes et villages »),
  • le vieux tchèque vesdont sera issu le tchèque ves« village »,
  • le slovaque ves, toujours « village », également présent en tant qu'élément toponymique nommant un village ou une petite ville, comme dans Slovenská VesKarlova VesDevínska Nová VesSpišská Nová Ves...,
  • le vieux polonais wieś, dont sera issu le polonais wieś, « village », mais employé aussi pour désigner « le pays » au sens de zone rurale, par opposition à la ville,
  • le silésien wieś« village... »,
  • le bas-sorabe wjas« village... »,
  • le haut-sorabe wjes« village... »,
  • le bulgare вес, ves, désignant notamment, dans le lexique historique, un hameau (ou un petit campement) qui ne possédait pas l'infrastructure nécessaire pour pouvoir être qualifié de village, et ce avant 1396, année funeste qui marque l'invasion ottomane, correspondant à l'une des plus sombres périodes de l'histoire bulgare,

ou

  • le serbo-croate vas, ves« village ».
Plus de 20 villes et villages ont été repris en 24 heures, selon Kiev. - L'Echo, 12 septembre 2022


Le 2 octobre, nous avons mis en évidence la similitude formelle de mots composés tels que...

  • le lituanien viēšpats« seigneur », et son pendant féminin viēšpati, « reine, maîtresse, dame... »,
  • le vieux prussien waispattin, « maîtresse de maison, dame »,
  • les albanais zot« seigneur » et zonjë, « dame », zot descendant du proto-albanais *w(i)tspáti et zonjë du proto-albanais *w(i)itspátnjā,
  • le sanskrit विश्पति, viśpáti« chef d'un village ou d'une tribu », ainsi que son pendant féminin विश्पत्नी, viśpátnī,
  • l'avestique 𐬬𐬍𐬯𐬞𐬀𐬌𐬙𐬌, vīspaiti« chef d'un district, d'un clan ou d'une maison»,
  • le vieux perse de même sens 𐎻𐎰𐎳𐎫, *viθfáti,
  • le tokharien A wikpots« chef de clan ». 


Le 9 octobre, nous entamions l'étude des dérivés de notre *ueiḱ- dans les langues helléniques, avec...
  • l'attique οἶκος, oîkos« maison, lieu de séjour de toute nature, pièce, chambre, maisonnée, le pays où l'on est né... »,
  • le dorien ϝοῖκος, woîkos,
  • le mycénien 𐀺𐀒, wo-i-ko-de, « de retour (chez soi, à la maison) ».
Nous avions également mentionné
  • le composé grec ancien οἰκονομία, oikonomía, « gestion de la maison », qui nous donnera économie,
ainsi que
  •  le verbe composé οἰκοδεσποτέω, oikodespoteó, « gouverner la maison, présider aux affaires familiales, être le maître de maison... ». 



°°°°°°°°°°°°


Amis lecteurs, 

En ce dimanche, nous allons bien évidemment mettre au jour d'autres dérivés grecs anciens de notre formidable racine *ueiḱ-« l'endroit où l'on s'installe… », ceux à qui nous devons tellement.
Ceux grâce à qui le français s'est enrichi...


... de mots


Sans surprise, derrière tous ces mots, le grec ancien... οἶκος, oîkos, « maison, lieu de séjour de toute nature, pièce, chambre, maisonnée, le pays où l'on est né... ».


Nous avons parlé la semaine dernière du grec ancien οἰκονομία, oikonomía, « gestion de la maison », qui nous a donné économie.



Il est un mot français qui, certes, lui ressemble beaucoup :

  • éco...logie.
Mais n'allez surtout pas croire qu'il existait un mot grec ancien dont aurait dérivé notre écologie.

Rien de tout ça ! 


Car notre écologie n'est que la francisation d'un mot... allemand, figurez-vous : Ökologie, invention relativement récente due au zoologiste et biologiste allemand Ernst Haeckel (1834-1919), qu'il avait créée de toutes pièces

- sur le modèle de Ökonomie, « économie » ; ceci expliquant cela -,
en 1866.

Ernst Haeckel, qui, mariant science et art,
nous a en outre laissé des illustrations scientifiques de toute beauté

 



Ernst Haeckel avait imaginé son Ökologie en mêlant adroitement...
  • Öko-, emprunt savant à οἶκος, oîkos, que nous pourrions comprendre en contexte comme l'habitat,
et
  • -logie, copié
- via le latin -logia -

du grec ancien -λογία, -logía, lui-même dérivé du célèbre λόγος, lógos, « parole, discours ».



Rassurez-vous, Ernst Haeckel était hautement respectable, et l'écologie, à cette époque, n'était encore que
la science qui étudie les milieux où vivent et se reproduisent les êtres vivants, ainsi que les rapports de ces êtres avec le milieu,
et non ce mouvement politique qui ose se parer de ce terme scientifique quand son idéologie prétendument inclusive, véritable antithèse de la démarche scientifique, m'apparaît ridiculement et tristement intégriste.

c'est cela, oui



Mais bon, nous connaissons quand même quelques mots français qui, eux, dérivent bien du grec ancien οἶκος, oîkos« maison, lieu de séjour de toute nature, pièce, chambre, maisonnée, le pays où l'on est né... ».


Ouais, d'accord, il y a aussi cette flopée de mots savants, appartenant au vocabulaire de la botanique, eux aussi créés il n'y a pas si longtemps, comme... 
  • monoïque, littéralement « d'une seule maison », et désignant une espèce dont les fleurs unisexuées mâles et femelles sont portées par le même pied (les Écolos parleraient de plantes non-binaires),


  • dioïque, littéralement « de deux maisons »,  désignant ces plantes stupidement genrées et véhiculant les plus exécrables valeurs du patriarcat, en ayant les fleurs mâles et les fleurs femelles sur des pieds différents (n'en doutez pas, les fleurs femelles sont invisibilisées ; d'ailleurs, ne dit-on pas un pied ?),


ou même -  soyons fous -
  • euryèce, du grec ancien εὐρύς, eurus, « large », et οἶκος, oikos, « lieu d'habitation »,  caractérisant une espèce ayant une grande valence écologique, c'est-à-dire pouvant coloniser de nombreux habitats ou des milieux très divers. Comme l'homme blanc hétéro cis, si vous préférez (en botanique, il convient d'utiliser le langage de l'écologie).


Dites-moi, connaissez-vous
  • le grec ancien συνοικισμός, sunoikismós ? 
συνοικισμός dérivé de σύν, sún,  « avec » et
- mais quelle surprise ! -
οἶκος, oikos, « maison », pour désigner une communauté de maisons.


Nous en avons fait l'emprunt savant synœcisme.

Dans l'Antiquité, le synœcisme est la réunion de plusieurs villages en une cité
Plutarque voyait même dans le synœcisme l'acte fondateur de la démocratie athénienne.

Rien que ça.

Plutarque (Πλούταρχος, Ploútarkhos),
né vers 46 et mort vers 125,
qui était tout sauf un béotien.
Enfin, si. Mais non.
Oh, et puis zut.

Certains, d'ailleurs, expliquent la forme plurielle des noms de cités comme Thèbes ou Athènes comme le lointain témoignage de la pluralité des villages qui décidèrent de s'associer pour former ces cités-États... 

Les fêtes antiques étaient une façon bien intelligente de renforcer le synœcisme.
Et à ce titre, les Jeux Olympiques en seraient vraisemblablement le plus bel exemple.
En ce sens, l'on pourrait d'ailleurs rapprocher ces fêtes antiques de ce qu'on appelle sans aucune imagination team buildings à l'heure actuelle).




 

Allez, un autre mot français qui dérive du grec ancien, mais cette fois via le latin ?

Je vous le laisse deviner :

Il s'agit d'un adjectif.

Nous l'avons emprunté au latin ecclésiastique en 1547.

Ce mot latin pourrait se traduire par « de toute la terre habitée », voire carrément « de tout l'univers, universel », et est un pur emprunt au grec ancien...

Une idée ?

Le mot latin, c'est œcumenicus, dérivé du substantif latin œcumene, « terre habitée », « univers », repris (entendez emprunté) du grec ancien οἰκουμένη oikouménê, qui n'est autre que le participe passé de οἰκέω, oikéô, « habiter ».

- Mais ?? Il y manque quelque chose ! Habitée, habité ? Et où est le sujet ?

Mais oui, cet emploi nominal est une bien jolie ellipse de οἰκουμένη γῆ, oikouménē , « terre habitée », où vous reconnaissez naturellement γῆ, , « terre », présent dans, par exemple, le grec ancien γεωγραφία, geographia, « géographie ». 

Et donc, oui, le mot à trouver était...
  • œcuménique, littéralement « universel », d'où « général », et qui, dans un sens spécialisé, exprime en religion l'idée de « qui concerne ou rassemble tous les croyants de confession chrétienne ».




Si le verbe grec ancien οἰκέω, oikéō signifiait, en toute logique, habiter,
le mot qui exprimait le fait, l'action d'habiter, c'était...
  • οἴκησις, oíkēsis, « l'action de s'installer, d'habiter »,
construit sur
  • οἰκέω, oikéō,
et
  • le suffixe -σῐς, -sis (permettant de créer, à partir de verbes, des noms abstraits, des noms... d'action),

Son sens évoluera pour désigner, en parlant d'une cité, la gestion, l'administration de ladite cité.

Et pour indiquer une gestion complète, globale, on pouvait parler de...
  • δῐοίκησῐς, dioíkēsis, où est venu s'adjoindre à οἴκησις, oíkēsis, le préfixe δια-, dia-, exprimant ici l'idée d'approfondissement, de complétude.

Le latin empruntera le grec ancien dioíkēsis sous la forme diocesis pour désigner une circonscription administrée par un vicaire de l'empereur, et spécialement en latin chrétien, une « circonscription confiée à un évêque ».



Une campagne des évêques de France.
Et ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit :
tous les pompiers ne sont pas pyromanes



Eh oui. Le français l'empruntera à son tour au latin, fin du XIIème, pour donner...
  • diocèse, circonscription ecclésiastique placée sous la juridiction d'un évêque ou d'un archevêque. On parle encore des 87 diocèses de France.
Affiche pour une rencontre diocésaine.
Existe-t-il des études sur l'étonnante phraséologie diocésaine ?




Auriez-vous pensé à diocèse comme dérivé du grec ancien οἶκος, oîkos ?



La semaine prochaine, je vous proposerai encore quelques très surprenants dérivés français de notre grec ancien οἶκος, oîkos.

D'ici-là, passez un excellent dimanche, et une très bonne semaine.
Portez-vous bien.



Frédéric






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Attention,
ne vous laissez pas abuser par son nom :
on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…)

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Et pour nous quitter…

un motet plein de gaieté et d'entrain,

de 

William Byrd,
 c. 1540 – 4 juillet 1623,

Haec Dies.


Et c'est

VOCES8

qui,
divinement,
nous l'interprète.


Haec dies quam fecit Dominus :
exultemus et laetemur in ea,
alleluia.

(Voici le jour que le Seigneur a fait :
tressaillons d’allégresse et réjouissons-nous en lui,
alléluia.)


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