article précédent : Curieusement, lors des tournages, Chantal Akerman se tenait toujours hors champ.
« L'union fait la force,
Eendracht maakt macht,
Einigkeit macht stark. »
Devise nationale de la Belgique, ici dans nos trois langues nationales,
(et peut-être (?) inspirée par le grand franc-maçon lyonnais Jean-Baptiste Willermoz)
Jean-Baptiste Willermoz, 10 juillet 1730 - 29 mai 1824 |
(Et en liégeois, « L'ugniau fé la force, dauuuc »)
Bonjour à toutes et tous !
Je ne vous le cache pas.
Ce dimanche 19 juillet 2020 marquera la fin de notre étude des dérivés de cette incroyable petite racine indo-européenne...
Vous rendez-vous compte de la liste impressionnante de ses dérivés ?
Allez, pour la toute dernière fois, faisons le point.
Nous avons découvert,
passés par les latins gerō, gerēre, “porter, transporter” et agō, -ere, “mouvoir, (se) conduire, faire, agir...”...
- digeste, gérer, gérondif, gestation, geste, indigeste, suggérer,
un exemple de gérondif ? "En digérant"., 16 février 2020,
- agir, agiter, ambages, ambigu, cailler, coaguler, cogiter, exiger, exigu,
exiger de s'agiter sans ambages, c'est un peu ambigu, non ?, 23 février 2020,
- acte, acteur, action, actually, actuel, actuellement, agence, agent, agissements,
et... action !, 1er mars 2020,
- aurige, cacher, cachet,
- décati, squat, squatter,
l'anglais squatte le français, 12 avril 2020,
- l'espagnol et le portugais cuidar, nos français essai, essaim, exact, exaction, examen, exiger (pour compléments d'informations), outrecuidant,
l'apiculteur, passionné, procéda à un examen d'essaim, 19 avril 2020,
- agile, (et des bouts des composés) fatiguer, litige, nager, naviguer, et transiger,
- un terme des composés châtier, châtiment, fumigation, purger,
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racine proto-indo-européenne *h₂eǵ-e/o-, “conduire, diriger”
⇓
proto-italique *ag-e/o-, “faire, agir”
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latin agō, -ere, “mouvoir, (se) conduire, faire, agir...”
proto-italique *ag-e/o-, “faire, agir”
⇓
latin agō, -ere, “mouvoir, (se) conduire, faire, agir...”
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racine proto-indo-européenne *h₂eǵ-e/o-, “conduire, diriger”
⇓
racine post-indo-européenne *h₂ǵ-es-, “transporter”
⇓
proto-italique *ges-e/o-, “transporter”
⇓
latin gerō, gerēre, “porter, transporter”
racine post-indo-européenne *h₂ǵ-es-, “transporter”
⇓
proto-italique *ges-e/o-, “transporter”
⇓
latin gerō, gerēre, “porter, transporter”
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puis, passés par le grec ancien ἄγω, ágō, “guider, diriger, mener...”,
- agonie, agoniste, paragogé, pédagogue et protagoniste,
- antagonisme, antagoniste, mystagogue, stratagème, stratège, synagogue,
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racine proto-indo-européenne *h₂eǵ-, “conduire, diriger”
⇓
proto-hellénique *ágō-, “guider, conduire”
⇓
grec ancien ἄγω, ágō, “guider, diriger, mener...”
proto-hellénique *ágō-, “guider, conduire”
⇓
grec ancien ἄγω, ágō, “guider, diriger, mener...”
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ensuite, passés par le proto-celtique *ag-o-, “conduire”,
- le vieil irlandais ág, “combat, lutte”, le gaulois ago-, “combat, lutte”, le vieux gallois hegit, “aller”, les moyen breton et cornique a, “aller”, les gaulois axat, “qu'il emmène”, et actos dans amb(i)-actos, “serviteur, envoyé”, dont découlera ambassade,
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racine proto-indo-européenne *h₂eǵ-, “conduire, diriger”
⇓
proto-celtique *ag-o-, “conduire”
⇓
proto-celtique *ag-o-, “conduire”
⇓
vieil irlandais ág, “combat, lutte”, gaulois ago-, “combat, lutte”, vieux gallois hegit, “aller”, moyen breton et cornique a, “aller”, gaulois axat, “qu'il emmène”, actos dans le gaulois amb(i)-actos, “serviteur, envoyé”, dont découlera ambassade
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puis, passés par le vieux norois aka, “conduire”,
- l'islandais aka, “(se) déplacer, conduire”, le norvégien nynorsk aka, ake, le danois age, ... et par emprunts, le scots oag, hoag, aik et l'anglais dialectal du nord aik, “conduire”,
le vieil Islandais brûla un feu au volant de son Scania, 31 mai 2020.
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racine proto-indo-européenne *h₂eǵ-, “conduire, diriger”
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forme *h₂éǵ-e-
forme *h₂éǵ-e-
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proto-germanique *akan-, “conduire”
⇓
vieux norois aka, “conduire”
⇓
islandais aka, “(se) déplacer, conduire”, norvégien nynorsk aka, ake, danois age, ...
et par emprunts,
le scots oag, hoag, aik et l'anglais dialectal du nord aik, “conduire”
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Ensuite, nous découvrîmes...
- le sanskrit अजति, ajati, “conduire”, l'arménien classique ածեմ, acem, “transporter, aller chercher, emmener...”, l'avestique 𐬀𐬰𐬀𐬌𐬙𐬌, azait, “conduire, diriger”, et même le tokharien (A et B) āk-, “conduire, diriger”...
mais aussi, hérité d'une forme nominale *h₂eǵ-ro-, “champ non cultivé, pâture”
et passé par le proto-italique *agro-, “champ”,
- le latin ager, agrī, “lopin de terre, domaine, champ, terrain, territoire...”, d'où nous arrivent nos agraire, agreste... mais aussi aire (le nid de l'aigle), débonnaire, ainsi qu'un bout de nos pèlerin, pèlerine, pèlerinage, et pérégrination,
marche à l'ombre, 14 juin 2020, Louis, sans en avoir l'air, était quand même assez pieux., 21 juin 2020 et les vrais aussi, ils partent en voyage, 28 juin 2020.
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racine proto-indo-européenne *h₂eǵ-, “conduire, diriger”
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forme nominale *h₂eǵ-ro-, “champ non cultivé, pâture”
forme nominale *h₂eǵ-ro-, “champ non cultivé, pâture”
⇓
proto-italique *agro-, “champ”
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latin ager, agrī, “lopin de terre, domaine, champ, terrain, territoire...”
⇓
étymon protoroman */ˈaɡr‑u/, “étendue de terre propre à la culture ; étendue de la surface terrestre située à la campagne”
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ancien français (h)aire, “nid d'oiseau” puis, par spécialisation, “nid d'un rapace”
latin ager, agrī, “lopin de terre, domaine, champ, terrain, territoire...”
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composé latin per-egre, “de l'étranger, à l'étranger”
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latin peregrīnus, “qui voyage à l'étranger, vient de l'étranger, concerne l'étranger...”
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dissimilation
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bas latin pelegrinus
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ancien français pèlerin (1050), “étranger”
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Toujours dérivé du mot indo-européen *h₂eǵ-ro-, “champ non cultivé, pâture”, nous passâmes ensuite...
- au grec ancien ἀγρός, agrós, “champ, terre, campagne...” et sa multitude d'emprunts en français en agro-,
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racine proto-indo-européenne *h₂eǵ, “conduire, diriger”
⇓
forme nominale *h₂eǵ-ro-, “champ non cultivé, pâture”
forme nominale *h₂eǵ-ro-, “champ non cultivé, pâture”
⇓
mycéen 𐀀𐀒𐀫, a-ko-ro, “champ, pays”,
grec ancien ἀγρός, agrós, “champ, terre, campagne...”
grec ancien ἀγρός, agrós, “champ, terre, campagne...”
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grecs anciens ἀγροῖκος, agroîkos, “rustique, brut, grossier”,
ἄγρωστις, ágrōstis, peut-être Elymus repens,
άγρυπνος, ágrypnos, “insomniaque, éveillé, vigilant”,
ἄγρῐος, ágrios, “sauvage, violent, féroce...”
grec ancien ἄγρῐος, ágrios, “sauvage, violent, féroce...”
⇓
grec moderne άγριος, ágrios, “sauvage, féroce...”
grec ancien ἀγρός, agrós, “champ, terre, campagne...”
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emprunts
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français agronome, agrostème, mots divers en agro-
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Enfin, dimanche dernier, nous découvrions, passés de *h₂eǵ-ro-, “champ non cultivé, pâture” par l'étymon germanique *akra- 1, “champ”,
- le vieux norois akr, “champ, champ de céréales, de blé”, d'où l'islandais akur, “champ”, le vieux danois akær, le vieux suédois åker..., le gotique 𐌰𐌺𐍂𐍃, akrs, “champ cultivé”, le vieil anglais æcer, d'où l'anglais acre, le vieux saxon akkar, le vieux néerlandais accar, ackar, d'où le néerlandais akker, le vieux haut-allemand ackar, d'où l'allemand Acker, et par emprunt(s), notre français acre.
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racine proto-indo-européenne *h₂eǵ, “conduire, diriger”
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forme nominale *h₂eǵ-ro-, “champ non cultivé, pâture”
forme nominale *h₂eǵ-ro-, “champ non cultivé, pâture”
⇓
germanique *akra- 1, “champ”
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vieux norois akr, “champ”, “champ de céréales, de blé”
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islandais akur, “champ”, efdalien åker, vieux danois akær, vieux suédois åker...
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germanique *akra- 1, “champ”
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germanique occidental *ak(k)r, “champ, espace dégagé”, “champ de céréales, de blé”
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vieil anglais æcer ⇒ anglais acre,
vieux frison ekker,
vieux néerlandais accar, ackar ⇒ néerlandais akker,
vieux haut-allemand ackar ⇒ allemand Acker
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Oui, je sais.
Ce mardi 21 juillet, nous, Belges, commémorerons le serment fait un autre 21 juillet, celui de 1831, par Léopold Ier, premier roi des Belges, de rester fidèle à la Constitution.
Cette bonne vieille Constitution qui doit garantir les libertés individuelles des citoyens et se fonde sur la séparation des trois pouvoirs que sont le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire.
Oh, mais oui ! Ça paraît fou, mais c'était bien avant la particratie, avant que la politique ne soit confiée qu'à des gens qui pensent plus à leurs intérêts propres qu'à ceux du pays.
Nous aussi, hein, nous avons notre petit Boris Johnson, qui comme lui est un habile manipulateur, stratège érudit, cultivé et intelligent, et est surtout capable de faire littéralement exploser un pays en jouant sur la xénophobie et le droit du sol.
Allez, dernier article de cette série, consacré aux dérivés du mot indo-européen *h₂eǵ-ro-, “champ non cultivé, pâture”, mais cette fois dans la branche arménienne des langues indo-européennes - et donc, en arménien, hein -, ainsi que dans la branche... indo-iranienne.
Pour le 21 juillet et ses feux d'artifices qui se profilent, ma foi, ce sera ma façon à moi de contribuer au bouquet final...
L'arménien,
qui forme, vous le savez, un groupe linguistique à lui tout seul au sein des langues indo-européennes,
doit à notre *h₂eǵ-ro-, “champ non cultivé, pâture”, արտ, art, “champ de blé, champ de maïs, champ cultivé”, ou encore plus génériquement, “terres arables”.
Ce art arménien...
Ce art arménien, disais-je, est issu de notre *h₂eǵ-ro-, “champ non cultivé, pâture” par l'arménien classique...
Le ballet arménien Navasart, entre le classique et la danse traditionnelle... (Navasart désignant le jour de l'an dans le calendrier arménien) |
par l'arménien classique, donc...
- on ne s'en sortira pas, vous savez, si vous continuez à m'interrompre... -
... արտ, art, de même sens : “champ de blé, champ de maïs, champ cultivé, terres arables”.
un champ en Arménie, avec au loin le mont Masis (Մասիս), ou mont Ararat, en français |
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racine proto-indo-européenne *h₂eǵ, “conduire, diriger”
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forme nominale *h₂eǵ-ro-, “champ non cultivé, pâture”
forme nominale *h₂eǵ-ro-, “champ non cultivé, pâture”
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arménien classique արտ, art, “champ de blé, champ de maïs, champ cultivé, terres arables”
⇓
arménien արտ, art, “champ de blé, champ de maïs, champ cultivé, terres arables”
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Mais nous devons encore à l'arménien classique արտ, art, quelques autres dérivés...
Citons tout d'abord le radical arménien classique արտ-, art-, que l'on pourrait traduire par “dehors, au grand air”.
Eh oui, vous avez raison, on retrouve ici une évolution sémantique comparable à celle qui avait donné le grec άγρυπνος, ágrypnos, “insomniaque, éveillé, vigilant”.
Et si vous ne voyez pas pourquoi, alors il serait peut-être judicieux de relire Le lien entre les Titans de Chicoutimi et le grec ancien ἀγρός, agrós ? Le dimanche indo-européen....
Sur ce radical արտ-, art- s'est construit le préfixe arménien classique... արտ-, art-, qui est en quelque sorte l'équivalent de notre ex- français.
On le fait sémantiquement correspondre au grec ancien ἐκ, ek, même s'ils ne sont pas du tout cognats (ἐκ, ek, descendant, lui, de *h₁eǵʰs-, “dehors, hors de”, racine que j'avais transcrite à la Watkins sous la forme *eghs- dans étrange étranger et exister, se redresser, transmettre).
Ce préfixe արտ-, art- se retrouve par exemple dans le verbe արտաշնչեմ, “artašnčʿem, “exhaler”.
Ou encore dans le verbe արտաբերեմ, artaberem, “proférer, prononcer...”.
tenez, ça pourrait vous aider... |
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arménien classique արտ, art, “champ de blé, champ de maïs, champ cultivé, terres arables”
⇓
arménien արտ, art, “champ de blé, champ de maïs, champ cultivé, terres arables”
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radical arménien classique արտ-, art-, “dehors, au grand air”
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préfixe arménien classique արտ-, art-, “ex-”
⇓
արտաշնչեմ, artašnčʿem, “exhaler”
արտաբերեմ, artaberem, “proférer, prononcer...”
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Enfin, s'est dérivé sur l'arménien classique արտ, art, cet autre arménien classique ագարակ, agarak, au sens de “propriété terrienne, domaine, village...”.
vieille église, au sein de la communauté rurale de Ագարակաձոր, Agarakdzor, Ձոր, dzor désignant la vallée |
L'arménien moderne ագարակ, agarak, de même sens, n'en est cependant pas issu ; il n'est en réalité qu'un emprunt savant à ce vieux mot.
C'est d'ailleurs toujours par le mécanisme de l'emprunt que l'arménien classique ագարակ, agarak, “propriété terrienne, domaine, village...” s'est curieusement retrouvé dans une langue non indo-européenne, le géorgien (du groupe des langues caucasiennes) !
Par proximité, tout simplement.
Avec აგარაკი, agaraḳi, “champ, campement, datcha, village...”
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arménien classique արտ, ar, “champ de blé, champ de maïs, champ cultivé, terres arables”
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arménien classique ագարակ, agarak, “propriété terrienne, domaine, village...”
⇓
emprunt savant
⇓
arménien ագարակ, agarak (de même sens)
arménien classique ագարակ, agarak, “propriété terrienne, domaine, village...”
⇓
emprunt
⇓
géorgien აგარაკი, agaraḳi, “champ, campement, datcha, village...”
**********
Voilà pour l'arménien...
Et dire que
- je reviens à la politique belge, pardonnez-moi -
Et dire qu'un homme politique belge, un élu bruxellois, du parti qui se rêve socialiste - un Carolo, en plus, et c'est peut-être ce qui me fait le plus mal - a osé faire preuve de négationnisme vis-à-vis du génocide arménien, ce qui est en outre punissable par la loi.
Cet élu, Emir Kir, s'est FINALEMENT fait jeter de ce parti (qui pour l'occasion était redevenu un tout petit peu plus socialiste, un tout petit peu moins électoraliste), en 2020, après avoir quand même reçu deux élus d'extrême droite turque.
Ouais. La classe totale.
- Mais pourquoi refusait-on de voir son négationnisme pourtant clairement affiché ?
- Allez, je vous donne un élément de réponse... Dans sa commune bruxelloise de Saint-Josse-ten-Noode, ce n'est pas vraiment la population arménienne qui est remarquablement représentée.
Les vraies histoires belges sont rarement comiques, vous savez, amis Français...
Allez, la dernière salve !
Nous retrouvons notre mot indo-européen *h₂eǵ-ro-, “champ non cultivé, pâture”, dans l'étymon proto-indo-iranien... *Háȷ́ras-, “champ, pâture”.
De là, sans s'retourner, sans s'presser
- mais avec certainement beaucoup de sens critique -,
il est passé au... sanskrit !
अज्र, ájra, “champ”.
**********
racine proto-indo-européenne *h₂eǵ, “conduire, diriger”
⇓
forme nominale *h₂eǵ-ro-, “champ non cultivé, pâture”
forme nominale *h₂eǵ-ro-, “champ non cultivé, pâture”
⇓
indo-iranien *Háȷ́ras-, “champ, pâture”
⇓
sanskrit अज्र, ájra, “champ”
**********
Mais, mais...
de notre étymon indo-iranien *Háȷ́ras-, “champ, pâture” est également issu le proto-iranien (reconstruit, non attesté, ne poussez pas) *Hájrah-.
Eh !
Et de ce beau *Hájrah seront, à leur tour, issus...
- l'avestique *𐬀𐬰𐬭𐬀, *azra (bon, ne chicanons pas, uniquement dans des composés)
et
- le persan آسر, āsor, “champ”.
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indo-iranien *Háȷ́ras-, “champ, pâture”
⇓
iranien *Hájrah-
⇓
avestique *𐬀𐬰𐬭𐬀, *azra
persan آسر, āsor, “champ”
**********
Oui ! OUI !!
Et TOUS ces mots
soyez-en donc bien conscients,
proviennent d'une seule et même, toute jolie, toute petite, toute douce racine indo-européenne,
*h₂eǵ-, “conduire, diriger”.
Mais quelle racine ! Quel tempérament !
Multimillénaire, mais... toujours bien là.
Il suffit de gratter un peu, et sous nos mots si modernes apparaissent alors des merveilles antiques, d'illustres fondations sur lesquelles se sont bâties nos langues dites modernes...
des merveilles sous nos pieds... Ici, découvertes archéologiques lors d'un chantier à Bruxelles (ancien lit de la Senne, sous le Parking 58) |
Je vous souhaite un excellent dimanche, une très belle semaine.
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Attention,
ne vous laissez pas abuser par son nom :
on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…)
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Et pour nous quitter...
Je dois vous l'avouer, j'étais parti sur une prestation d'un grand chef d'orchestre arménien, comme Alain Altinoglu ou Vahan Mardirossian, voire Domingo Hindoyan (si vous ne les connaissez pas encore, prenez la peine de les rechercher sur Youtube ; ils en valent la peine...).
Et puis, quand je suis tombé sur cet emprunt géorgien...
Je ne sais pas pourquoi.
Vraiment pas.
Je cherche encore, d'ailleurs...
Mais bon, j'ai instantanément pensé à un musicien géorgien.
Enfin...
Á une musicienne géorgienne.
ხატია ბუნიათიშვილი, ou en graphie latine,
Khatia Buniatishvili.
(vous ne trouvez pas que la graphie géorgienne lui sied particulièrement bien ?)
- Mais pourquoi précisément elle ?
- Mais je n'en sais rien, moi ; arrêtez de me harceler, enfin !
Je nous ai choisi un morceau retenu, en demi teintes...
Á l'image de la situation actuelle, de ce dé-re-confinement, de toutes ces incertitudes,
à l'image de mon moral, aussi...
Le menuet (en sol mineur) de la première suite pour clavier, en si bémol majeur,
de Georg Friedrich Haendel, HWV 434.
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2 commentaires:
Ma culture est bien ancrée des deux côtés du pays, et ma pensée est loin de vouloir faire de la politique, et encore moins de dire du bien de ce stratège manipulateur.
Mais je pense qu’il nous permet d'éviter pire !
J'écoute la radio et j'observe la (notre/votre) presse et les (nos/vos) politiciens de chaque côté du pays, et j'ai peur que le succès de l'extrême droite (en Flandre) soit le résultat de campagnes menées ailleurs, et que la particratie de papa tue tout simplement le progrès et la démocratie.
Que ce soit la religion, la politique, ou n'importe quoi ... les extrêmes nourrissent les extrêmes, la surenchère engrange la surenchère, l'animosité attire l'animosité, la violence pousse à la violence.
« L'action est toujours égale à la réaction ; c'est-à-dire que les actions de deux corps l'un sur l'autre sont toujours égales et de sens contraires. » (Troisième loi de Newton ou principe d'action-réaction)
Pensez aux Arméniens, aux Kurdes, aux Syriens, aux Catalans, aux Bosniens, aux Irlandais...
Et en passant, n'oubliez pas meToo et Black lives matter ...
Pour qu'un système fonctionne convenablement, il faut écouter, essayer de comprendre l'autre, travailler ensemble, ouvrir la communication, entrevoir ses propres fautes, améliorer le systèmes, trouver des solutions avec le respect de chacun. Et célébrer la différence ...
J'espère que vous ne m'en voudrez pas ... trop (il y avait comme un mouchoir rouge)
et qu'on pourra encore fêter notre 21 juillet pendant longtemps !
Merci Frédéric et bonne semaine à tou(te)s.
Bonjour, Thierry,
Merci de ton commentaire courageux et lucide.
Oui, il est certain que rien n'est tout blanc ni tout noir, et que des parfaits bilingues comme toi peuvent apprécier mieux que quiconque les développements politiques "du nord et du sud", avec les actions et réactions de part et d'autre, comme tu le dis si bien.
Bien sûr, il y a des torts des deux côtés ; j'en suis parfaitement conscient. Et souvent, les extrêmes, de gauche ou de droite, ne sont que la méprisable résultante des manquements, de la lâcheté, des partis au pouvoir.
Espérons en tout cas que nous pourrons encore longtemps nous considérer comme des compatriotes, et que nous pourrons encore longtemps partager la même fête nationale...
Passe une excellente semaine !
Bien à toi,
Frédéric
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